Etude stratigraphique, pétrographique et diagénétique des grès d'âge
Crétacé-Paléogène de la région ouest du bassin du lac Turkana, Kenya.
Conséquences sur leurs caractéristiques réservoir et l'évaluation du
potentiel pétrolier du nord-ouest du Kenya.
Les segments centre et nord du Rift du Kenya sont aujourd'hui considérés
comme parmi les régions du Système de Rift Est-africain les plus
prometteuses pour l'exploration pétrolière. Au cours des années 70, de
nombreuses compagnies pétrolières se sont intéressées à la région
nord-est du Kenya, correspondant au système de rift d'Anza (âge
Crétacé-Miocène), sans réaliser de découverte pétrolière. C'est à la
suite de la mise en évidence au cours des années 80 d'importantes
réserves en hydrocarbures dans les bassins de rift du Soudan qu'une
phase d'intense exploration a été relancée dans le nord du Kenya (région
du lac Turkana) par les compagnies Amoco, puis Shell. Des opérations de
sismique réflexion associées à des forages à l'ouest immédiat du lac
Turkana au nord du Kenya ont permis de reconnaître plusieurs bassins
sédimentaires enfouis. Deux ensembles de bassins de type demi-graben,
orientés nord-sud ont été identifiés, les plus anciens étant interprétés
comme d'âge Crétacé-Paléogène. Au vu de ces découvertes, d'autres
recherches ont été conduites soit sous un aspect pétrolier soit sous un
aspect plus académique dans la région du rift central central du Kenya.
Deux bassins orientés nord-sud, le Bassin de Baringo et le Bassin de
Kerio ont été explorés avec des méthodes géophysiques. Tous ces bassins
du centre et du nord du Rift du Kenya contiennent des remplissages
sédimentaires de 5 à 8 km d'épaisseur, faits de sédiments alluviaux,
fluvio-deltaiques et lacustres associés parfois à des roches
volcaniques. Ces dépôts sont d'âge Paléogène-Miocène supérieur ou
Paléogène-Présent. En complément des études géophysiques et des rares
forages réalisés, de nouvelles études de terrain ont été conduites dans
le cadre de cette thèse sur certaines formations géologiques constituant
ces remplissages de bassins, formations jusqu'alors fort peu voire pas
du tout étudiées. Ainsi, les formations de Lapur, Muruanachok et
Lokichar ont été analysées du point de vue sédimentologique et
diagénétique. Ces formations sont ensuite replacées dans leur contexte
stratigraphique et structural de bassins de rift et comparées entre
elles. Outre le potentiel réservoir des remplissages sédimentaires de
ces bassins, le potentiel « roche-mère » de ces formations a également
été considéré. Les caractères ainsi définis pour chacun de ces bassins
ont permis de proposer une classification en termes de potentiel
pétrolier, pouvant guider une exploration future de ces bassins. La
première partie de cette thèse concerne la formation sédimentaire de
Lapur (Lapur Sandstone Formation), qui a été pour la première fois
brièvement décrite par l'explorateur-géologue français Arambourg (1933).
Située dans une région réputée comme hostile à la frontière
Kenya-Ethiopie, cette formation a souvent été citée dans la littérature
ayant trait à la géologie de la région du lac Turkana, mais toujours
sans réelles données de terrain. En 2004, un levé stratigraphique précis
assorti d'un échantillonnage dense a été entrepris sur la Formation de
Lapur, dans la région de la Gorge de Lokitaung à l'extrémité nord du lac
Turkana. Cinq cent mètres de formation sédimentaire, d'accès difficile,
ont été levés en détail en une dizaine de jours, constituant la
première coupe-type de la Formation de Lapur. Deux types
d'environnements de dépôt ont pu être identifiés par l'étude des faciès
sédimentaires : un environnement de type « cône alluvial » à la base et
au sommet de la formation, et un environnement de « réseau fluviatile en
tresses » dans la partie médiane de la formation. L'âge inférieur de la
Formation de Lapur était grossièrement connu par la découverte de
restes de dinosaures, donnant un âge Cénomanien. L'âge supérieur a pu
être affiné par des observations de terrain précisant la nature des
contacts entre les termes supérieurs de la formation et les laves les
surmontant (« Turkana Volcanics »), laves qui ont été datées entre 37 et
33 Ma, soit fini Eocène-Oligocène inférieur. Les observations de
terrain ont montré que la sédimentation continentale a perduré pendant
quelques millions d'années lors de la mise an place des premières
coulées. L'histoire de la Formation de Lapur représente une longue
période de temps (plus de 30 Ma), mais vraisemblablement entrecoupée par
des périodes de lacunes sédimentaires qui n'ont pas clairement été
identifiées lors des levés de terrain. L'étude diagénétique de la
Formation de Lapur est un élément essentiel de ce travail de thèse.
Plusieurs phases de diagenèse ont été identifiées, avec des ciments de
type calcite, hématite et kaolin. Ces épisodes de diagenèse sont
interprétés en fonction des variations climatiques entre le Cénomanien
et l'Oligo-Miocène, période de mise en place des plusieurs centaines de
mètres de laves de la formation «Turkana Volcanics». L'étude des
variations de la porosité sur l'ensemble de la Formation de Lapur a
montré des caractéristiques de «bon à très bon réservoir» avec des
porosités voisines de 25 %. La position structurale d'une telle unité
sédimentaire à fort potentiel de roche réservoir est d'une grande
importance dans une région à potentiel pétrolier telle la dépression du
Turkana. Les travaux de terrain conduits dans la région associés à la
réinterprétation des quelques lignes sismiques acquises dans cette
région par la compagnie Amoco et à des données récentes de géophysique
montrent la présence de la Formation de Lapur dans le bassin du Turkana,
enfouie sous plus de 2,5 km de sédiments fluvio-lacustres d'âge
Mio-Pliocène. Dans le bassin voisin de Gatome, la Formation de Lapur ou
une formation stratigraphiquement équivalente est mise en évidence à une
profondeur de 3 km. Ces ensembles peuvent constituer des cibles
pétrolières préférentielles. La deuxième partie de ce travail représente
l'étude sédimentologique et diagénétique d'une deuxième formation
sédimentaire présente dans la dépression du Turkana, formation très peu
connue et toujours très brièvement citée dans la littérature, la
Formation de Muruanachok. Un log lithostratigraphique inédit a été levé
dans le cadre de cette thèse. Les affleurements de cette Formation de
Muruanachok sont très restreints au milieu de la plaine de Lotikipi,
vaste étendue plane située à l'ouest du lac Turkana, qui représente
l'expression de surface des deux grands demi-grabens de Lotikipi et
Gatome. Les faciès sédimentaires témoignent pour la Formation de
Muruanachok d'un environnement fluviatile de type « réseau en tresses »,
pouvant être comparé à celui décrit pour la Formation de Lapur. L'étude
diagénétique de la Formation de Muruanachok met en évidence 3 types de
ciment, calcite, hématite, et kaolin, comparables à ceux mis en évidence
pour la Formation de Lapur. Les mesures de porosité démontrent pour
cette formation des caractéristiques voisines de celles de la Formation
de Lapur. Toutefois, l'absence de bonnes données de terrain, conséquence
de très mauvaises conditions d'affleurement et aussi de données de
subsurface (pas de données sismiques dans cette région, pas de forages)
rend quasiment impossible l'établissement d'un lien paléogéographique
entre la Formation de Lapur et la Formation de Muruanachok. La troisième
partie de cette thèse représente une étude du point de vue potentiel
pétrolier (caractéristiques en termes de roches-réservoir, mais aussi en
termes de présence de roches-mères, de certains bassins sédimentaires
des segments nord et centre du Rift du Kenya, respectivement les bassins
de Lotikipi et Gatome au nord-ouest du lac Turkana, les bassins de
Lokichar, Nord Lokichar et Nord Kerio au sud-ouest du lac Turkana, et
les bassins de Kerio et Baringo dans le Rift central du Kenya. Les
bassins du segment nord du Rift du Kenya ont été les plus intensément
étudiés lors de la phase d'exploration pétrolière des années 80. Ce sont
les bassins les plus anciens de cette zone, avec un âge Paléogène, mais
pouvant être aussi plus ancien (Crétacé moyen-supérieur ?) par
comparaison avec les bassins sédimentaires associés au système de rift
du Sud-Soudan, qui ont révélé un potentiel pétrolier de grande
importance. Les bassins de Lotikipi et Gatome sont les deux bassins les
plus proches de ceux du Système de rift du Sud-Soudan, du point de vue
géographique mais surtout du point de vue caractéristiques géologiques.
Ces deux bassins sont mal connus du point de vue de leur structure,
n'ayant fait l'objet que d'une reconnaissance sismique tout-à-fait
mineure avec 3 lignes sismiques. Seule l'extrémité nord du Bassin de
Gatome révèle un remplissage sédimentaire épais sous l'empilement
d'épaisseur plurikilométrique de laves de la Formation « Turkana
Volcanics », d'âge fini-Eocène-Oligocène inférieur. Les études de
terrain et les résultats d'une campagne géophysique montrent que ce
remplissage sédimentaire pourrait correspondre à la Formation de Lapur,
qui affleure largement à l'est de ce bassin, et qui présente de bonnes
caractéristiques de roche-réservoir. Néanmoins, l'étude sédimentologique
de la Formation de Lapur n'a pas permis la mise en évidence dans cette
série sédimentaire de roches pouvant présenter des caractéristiques de
bonnes roches-mères pétrolières. Seules des études de sismique réflexion
plus poussées couplées à la réalisation de forages d'exploration
pourraient permettre de lever ces importants points d'interrogation. Au
sud-ouest du lac Turkana, la réalisation d'une couverture sismique dense
par la compagnie pétrolière Amoco a permis la mise en évidence de 3
bassins sédimentaires de type demi-graben, d'âge Paléogène à Miocène
moyen , les bassins de Lokichar, Nord Lokichar, et Nord Kerio.
L'interprétation des données de sismique réflexion, calibrées à l'aide
d'un forage d'exploration réalisé dans le Bassin de Lokichar (forage
Loperot-1), a montré l'existence d'un épais remplissage sédimentaire
constitué d'alternances de dépôts gréseux, de type fluviatile à
fluvio-deltaique, et de dépôts argileux de faciès lacustre, très riches
en matière organique. Les grès présents dans les bassins de Lokichar et
Nord Lokichar ont été étudiées du point de vue de leur composition
pétrographique et de leur évolution diagénétique. Ils ont révélé de très
bonnes caractéristiques réservoir. Le couplage de ces formations avec
les épaisses unités d'argiles lacustres identifiées dans le forage
Loperot-1 donne au Bassin de Lokichar un intérêt tout particulier en
termes de potentiel pétrolier. Des indices d'huile ont en effet été mis
en évidence en plusieurs points du forage. Des caractéristiques
comparables peuvent être espérées pour le bassin voisin, le Bassin de
Nord Kerio, qui a été malheureusement bien moins étudié que le Bassin de
Lokichar. La sismique réflexion montre que les unités d'argiles
lacustres à fort potentiel roche-mère forées dans le Bassin de Lokichar
se prolongent dans le Bassin de Nord Kerio, et ont été déposées au cours
d'une phase lacustre de grande amplitude, ayant abouti à la formation
d'un grand lac d'eau douce. Les conditions de développement d'un tel
grand lac sont conformes aux données climatiques et environnementales
obtenues d'après des études palynologiques et paléontologiques réalisées
dans ce bassin. Ces données indiquent pour la période Oligocène
inférieur-Miocène inférieur des conditions climatiques de type «tropical
humide» avec des précipitations jusqu'à 3 fois supérieures aux
précipitations actuelles (50 mm). Des études plus précises sur la
structure des deux bassins de Lokichar et Nord Kerio, couplées à la
réalisation de nouveaux forages d'exploration permettront de confirmer
le bon potentiel pétrolier de ces bassins. Le segment central du Rift du
Kenya n'a fait l'objet que de peu d'exploration pétrolière, compte-tenu
de son plus grand éloignement des bassins productifs du Sud Soudan mais
aussi à cause de son histoire volcanique plus importante que celle de
la dépression du Turkana. Par ailleurs, en l'absence de données
géophysiques et de forages, l'histoire géologique de cette région était
définie comme plus récente que celle du segment Nord, les deux bassins
majeurs identifiés, Kerio et Baringo, étant identifiés comme formés au
Miocène inférieur. Des données géophysiques (sismique réflexion,
gravimétrie et magnéto-tellurique) acquises dans les années 90 ont
conduit à une ré-interprétation de l'histoire géologique de ce segment
du Rift Kenyan, et de repousser au Paléogène l'initiation des deux
bassins de Kerio et Baringo. Une similitude est ainsi apparue entre
l'histoire du segment nord du Rift, et celle du segment central. Ces
deux bassins ont par ailleurs été très étudiés du point de vue
paléontologique et paléoenvironnemental, avec une attention toute
particulière pour deux formations sédimentaires d'âge Miocène, les
Formations de Tambach et de Ngorora. Ces deux formations témoignent de
la présence dans ces deux bassins de vastes environnements
fluvio-lacustres démontrant en particulier une richesse en sédiments
lacustres riches en matière organique, et en conséquence à fort
potentiel pétrolier. Ces deux bassins n'étant toutefois que d'âge
Miocène, un problème de maturation des matières organiques peut se
poser. Mais les récentes découvertes en hydrocarbures réalisées dans un
environnement comparable et d'âge très voisin, dans le Bassin du lac
Albert en Uganda, renforcent l'intérêt des compagnies pétrolières pour
ce type de bassin et de série sédimentaire. En conclusion, les
différents résultats acquis dans ce travail tant du point de vue
sédimentologique, diagénétique et de géologie de bassin, permettent de
confirmer l'existence dans les segments nord et centre du Rift du Kenya
de plusieurs bassins à potentiel pétrolier intéressant, avec une
priorité donnée aux bassins qui présentent à la fois des roches aux
caractéristiques réservoir positives, couplées à l'existence dans la
même série de roches-mères à bon potentiel. Les bassins de Lokichar et
Nord Kerio se placent ainsi en position prioritaire. Quoique plus
jeunes, les séries des bassins de Kerio et Baringo présentent des
caractéristiques voisines de celles du Bassin de Lokichar. Une
exploration plus poussée dans les zones les plus profondes des bassins
pourrait se révéler encourageante, mais demeure toutefois le problème du
volcanisme, très présent au cours de l'évolution de cette région.
Enfin, le potentiel en hydrocarbures des bassins « anciens »
(Crétacé-Paléogène) du segment nord demeure attractif, du fait de la
similitude de ces bassins avecceux productifs du Sud Soudan, mais une
exploration plus approfondie du point de vue sismique et forages est
nécessaire à une bonne évaluation du potentiel de cette région.
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Crétacé-Paléogène de la région ouest du bassin du lac Turkana, Kenya.
Conséquences sur leurs caractéristiques réservoir et l'évaluation du
potentiel pétrolier du nord-ouest du Kenya.
Les segments centre et nord du Rift du Kenya sont aujourd'hui considérés
comme parmi les régions du Système de Rift Est-africain les plus
prometteuses pour l'exploration pétrolière. Au cours des années 70, de
nombreuses compagnies pétrolières se sont intéressées à la région
nord-est du Kenya, correspondant au système de rift d'Anza (âge
Crétacé-Miocène), sans réaliser de découverte pétrolière. C'est à la
suite de la mise en évidence au cours des années 80 d'importantes
réserves en hydrocarbures dans les bassins de rift du Soudan qu'une
phase d'intense exploration a été relancée dans le nord du Kenya (région
du lac Turkana) par les compagnies Amoco, puis Shell. Des opérations de
sismique réflexion associées à des forages à l'ouest immédiat du lac
Turkana au nord du Kenya ont permis de reconnaître plusieurs bassins
sédimentaires enfouis. Deux ensembles de bassins de type demi-graben,
orientés nord-sud ont été identifiés, les plus anciens étant interprétés
comme d'âge Crétacé-Paléogène. Au vu de ces découvertes, d'autres
recherches ont été conduites soit sous un aspect pétrolier soit sous un
aspect plus académique dans la région du rift central central du Kenya.
Deux bassins orientés nord-sud, le Bassin de Baringo et le Bassin de
Kerio ont été explorés avec des méthodes géophysiques. Tous ces bassins
du centre et du nord du Rift du Kenya contiennent des remplissages
sédimentaires de 5 à 8 km d'épaisseur, faits de sédiments alluviaux,
fluvio-deltaiques et lacustres associés parfois à des roches
volcaniques. Ces dépôts sont d'âge Paléogène-Miocène supérieur ou
Paléogène-Présent. En complément des études géophysiques et des rares
forages réalisés, de nouvelles études de terrain ont été conduites dans
le cadre de cette thèse sur certaines formations géologiques constituant
ces remplissages de bassins, formations jusqu'alors fort peu voire pas
du tout étudiées. Ainsi, les formations de Lapur, Muruanachok et
Lokichar ont été analysées du point de vue sédimentologique et
diagénétique. Ces formations sont ensuite replacées dans leur contexte
stratigraphique et structural de bassins de rift et comparées entre
elles. Outre le potentiel réservoir des remplissages sédimentaires de
ces bassins, le potentiel « roche-mère » de ces formations a également
été considéré. Les caractères ainsi définis pour chacun de ces bassins
ont permis de proposer une classification en termes de potentiel
pétrolier, pouvant guider une exploration future de ces bassins. La
première partie de cette thèse concerne la formation sédimentaire de
Lapur (Lapur Sandstone Formation), qui a été pour la première fois
brièvement décrite par l'explorateur-géologue français Arambourg (1933).
Située dans une région réputée comme hostile à la frontière
Kenya-Ethiopie, cette formation a souvent été citée dans la littérature
ayant trait à la géologie de la région du lac Turkana, mais toujours
sans réelles données de terrain. En 2004, un levé stratigraphique précis
assorti d'un échantillonnage dense a été entrepris sur la Formation de
Lapur, dans la région de la Gorge de Lokitaung à l'extrémité nord du lac
Turkana. Cinq cent mètres de formation sédimentaire, d'accès difficile,
ont été levés en détail en une dizaine de jours, constituant la
première coupe-type de la Formation de Lapur. Deux types
d'environnements de dépôt ont pu être identifiés par l'étude des faciès
sédimentaires : un environnement de type « cône alluvial » à la base et
au sommet de la formation, et un environnement de « réseau fluviatile en
tresses » dans la partie médiane de la formation. L'âge inférieur de la
Formation de Lapur était grossièrement connu par la découverte de
restes de dinosaures, donnant un âge Cénomanien. L'âge supérieur a pu
être affiné par des observations de terrain précisant la nature des
contacts entre les termes supérieurs de la formation et les laves les
surmontant (« Turkana Volcanics »), laves qui ont été datées entre 37 et
33 Ma, soit fini Eocène-Oligocène inférieur. Les observations de
terrain ont montré que la sédimentation continentale a perduré pendant
quelques millions d'années lors de la mise an place des premières
coulées. L'histoire de la Formation de Lapur représente une longue
période de temps (plus de 30 Ma), mais vraisemblablement entrecoupée par
des périodes de lacunes sédimentaires qui n'ont pas clairement été
identifiées lors des levés de terrain. L'étude diagénétique de la
Formation de Lapur est un élément essentiel de ce travail de thèse.
Plusieurs phases de diagenèse ont été identifiées, avec des ciments de
type calcite, hématite et kaolin. Ces épisodes de diagenèse sont
interprétés en fonction des variations climatiques entre le Cénomanien
et l'Oligo-Miocène, période de mise en place des plusieurs centaines de
mètres de laves de la formation «Turkana Volcanics». L'étude des
variations de la porosité sur l'ensemble de la Formation de Lapur a
montré des caractéristiques de «bon à très bon réservoir» avec des
porosités voisines de 25 %. La position structurale d'une telle unité
sédimentaire à fort potentiel de roche réservoir est d'une grande
importance dans une région à potentiel pétrolier telle la dépression du
Turkana. Les travaux de terrain conduits dans la région associés à la
réinterprétation des quelques lignes sismiques acquises dans cette
région par la compagnie Amoco et à des données récentes de géophysique
montrent la présence de la Formation de Lapur dans le bassin du Turkana,
enfouie sous plus de 2,5 km de sédiments fluvio-lacustres d'âge
Mio-Pliocène. Dans le bassin voisin de Gatome, la Formation de Lapur ou
une formation stratigraphiquement équivalente est mise en évidence à une
profondeur de 3 km. Ces ensembles peuvent constituer des cibles
pétrolières préférentielles. La deuxième partie de ce travail représente
l'étude sédimentologique et diagénétique d'une deuxième formation
sédimentaire présente dans la dépression du Turkana, formation très peu
connue et toujours très brièvement citée dans la littérature, la
Formation de Muruanachok. Un log lithostratigraphique inédit a été levé
dans le cadre de cette thèse. Les affleurements de cette Formation de
Muruanachok sont très restreints au milieu de la plaine de Lotikipi,
vaste étendue plane située à l'ouest du lac Turkana, qui représente
l'expression de surface des deux grands demi-grabens de Lotikipi et
Gatome. Les faciès sédimentaires témoignent pour la Formation de
Muruanachok d'un environnement fluviatile de type « réseau en tresses »,
pouvant être comparé à celui décrit pour la Formation de Lapur. L'étude
diagénétique de la Formation de Muruanachok met en évidence 3 types de
ciment, calcite, hématite, et kaolin, comparables à ceux mis en évidence
pour la Formation de Lapur. Les mesures de porosité démontrent pour
cette formation des caractéristiques voisines de celles de la Formation
de Lapur. Toutefois, l'absence de bonnes données de terrain, conséquence
de très mauvaises conditions d'affleurement et aussi de données de
subsurface (pas de données sismiques dans cette région, pas de forages)
rend quasiment impossible l'établissement d'un lien paléogéographique
entre la Formation de Lapur et la Formation de Muruanachok. La troisième
partie de cette thèse représente une étude du point de vue potentiel
pétrolier (caractéristiques en termes de roches-réservoir, mais aussi en
termes de présence de roches-mères, de certains bassins sédimentaires
des segments nord et centre du Rift du Kenya, respectivement les bassins
de Lotikipi et Gatome au nord-ouest du lac Turkana, les bassins de
Lokichar, Nord Lokichar et Nord Kerio au sud-ouest du lac Turkana, et
les bassins de Kerio et Baringo dans le Rift central du Kenya. Les
bassins du segment nord du Rift du Kenya ont été les plus intensément
étudiés lors de la phase d'exploration pétrolière des années 80. Ce sont
les bassins les plus anciens de cette zone, avec un âge Paléogène, mais
pouvant être aussi plus ancien (Crétacé moyen-supérieur ?) par
comparaison avec les bassins sédimentaires associés au système de rift
du Sud-Soudan, qui ont révélé un potentiel pétrolier de grande
importance. Les bassins de Lotikipi et Gatome sont les deux bassins les
plus proches de ceux du Système de rift du Sud-Soudan, du point de vue
géographique mais surtout du point de vue caractéristiques géologiques.
Ces deux bassins sont mal connus du point de vue de leur structure,
n'ayant fait l'objet que d'une reconnaissance sismique tout-à-fait
mineure avec 3 lignes sismiques. Seule l'extrémité nord du Bassin de
Gatome révèle un remplissage sédimentaire épais sous l'empilement
d'épaisseur plurikilométrique de laves de la Formation « Turkana
Volcanics », d'âge fini-Eocène-Oligocène inférieur. Les études de
terrain et les résultats d'une campagne géophysique montrent que ce
remplissage sédimentaire pourrait correspondre à la Formation de Lapur,
qui affleure largement à l'est de ce bassin, et qui présente de bonnes
caractéristiques de roche-réservoir. Néanmoins, l'étude sédimentologique
de la Formation de Lapur n'a pas permis la mise en évidence dans cette
série sédimentaire de roches pouvant présenter des caractéristiques de
bonnes roches-mères pétrolières. Seules des études de sismique réflexion
plus poussées couplées à la réalisation de forages d'exploration
pourraient permettre de lever ces importants points d'interrogation. Au
sud-ouest du lac Turkana, la réalisation d'une couverture sismique dense
par la compagnie pétrolière Amoco a permis la mise en évidence de 3
bassins sédimentaires de type demi-graben, d'âge Paléogène à Miocène
moyen , les bassins de Lokichar, Nord Lokichar, et Nord Kerio.
L'interprétation des données de sismique réflexion, calibrées à l'aide
d'un forage d'exploration réalisé dans le Bassin de Lokichar (forage
Loperot-1), a montré l'existence d'un épais remplissage sédimentaire
constitué d'alternances de dépôts gréseux, de type fluviatile à
fluvio-deltaique, et de dépôts argileux de faciès lacustre, très riches
en matière organique. Les grès présents dans les bassins de Lokichar et
Nord Lokichar ont été étudiées du point de vue de leur composition
pétrographique et de leur évolution diagénétique. Ils ont révélé de très
bonnes caractéristiques réservoir. Le couplage de ces formations avec
les épaisses unités d'argiles lacustres identifiées dans le forage
Loperot-1 donne au Bassin de Lokichar un intérêt tout particulier en
termes de potentiel pétrolier. Des indices d'huile ont en effet été mis
en évidence en plusieurs points du forage. Des caractéristiques
comparables peuvent être espérées pour le bassin voisin, le Bassin de
Nord Kerio, qui a été malheureusement bien moins étudié que le Bassin de
Lokichar. La sismique réflexion montre que les unités d'argiles
lacustres à fort potentiel roche-mère forées dans le Bassin de Lokichar
se prolongent dans le Bassin de Nord Kerio, et ont été déposées au cours
d'une phase lacustre de grande amplitude, ayant abouti à la formation
d'un grand lac d'eau douce. Les conditions de développement d'un tel
grand lac sont conformes aux données climatiques et environnementales
obtenues d'après des études palynologiques et paléontologiques réalisées
dans ce bassin. Ces données indiquent pour la période Oligocène
inférieur-Miocène inférieur des conditions climatiques de type «tropical
humide» avec des précipitations jusqu'à 3 fois supérieures aux
précipitations actuelles (50 mm). Des études plus précises sur la
structure des deux bassins de Lokichar et Nord Kerio, couplées à la
réalisation de nouveaux forages d'exploration permettront de confirmer
le bon potentiel pétrolier de ces bassins. Le segment central du Rift du
Kenya n'a fait l'objet que de peu d'exploration pétrolière, compte-tenu
de son plus grand éloignement des bassins productifs du Sud Soudan mais
aussi à cause de son histoire volcanique plus importante que celle de
la dépression du Turkana. Par ailleurs, en l'absence de données
géophysiques et de forages, l'histoire géologique de cette région était
définie comme plus récente que celle du segment Nord, les deux bassins
majeurs identifiés, Kerio et Baringo, étant identifiés comme formés au
Miocène inférieur. Des données géophysiques (sismique réflexion,
gravimétrie et magnéto-tellurique) acquises dans les années 90 ont
conduit à une ré-interprétation de l'histoire géologique de ce segment
du Rift Kenyan, et de repousser au Paléogène l'initiation des deux
bassins de Kerio et Baringo. Une similitude est ainsi apparue entre
l'histoire du segment nord du Rift, et celle du segment central. Ces
deux bassins ont par ailleurs été très étudiés du point de vue
paléontologique et paléoenvironnemental, avec une attention toute
particulière pour deux formations sédimentaires d'âge Miocène, les
Formations de Tambach et de Ngorora. Ces deux formations témoignent de
la présence dans ces deux bassins de vastes environnements
fluvio-lacustres démontrant en particulier une richesse en sédiments
lacustres riches en matière organique, et en conséquence à fort
potentiel pétrolier. Ces deux bassins n'étant toutefois que d'âge
Miocène, un problème de maturation des matières organiques peut se
poser. Mais les récentes découvertes en hydrocarbures réalisées dans un
environnement comparable et d'âge très voisin, dans le Bassin du lac
Albert en Uganda, renforcent l'intérêt des compagnies pétrolières pour
ce type de bassin et de série sédimentaire. En conclusion, les
différents résultats acquis dans ce travail tant du point de vue
sédimentologique, diagénétique et de géologie de bassin, permettent de
confirmer l'existence dans les segments nord et centre du Rift du Kenya
de plusieurs bassins à potentiel pétrolier intéressant, avec une
priorité donnée aux bassins qui présentent à la fois des roches aux
caractéristiques réservoir positives, couplées à l'existence dans la
même série de roches-mères à bon potentiel. Les bassins de Lokichar et
Nord Kerio se placent ainsi en position prioritaire. Quoique plus
jeunes, les séries des bassins de Kerio et Baringo présentent des
caractéristiques voisines de celles du Bassin de Lokichar. Une
exploration plus poussée dans les zones les plus profondes des bassins
pourrait se révéler encourageante, mais demeure toutefois le problème du
volcanisme, très présent au cours de l'évolution de cette région.
Enfin, le potentiel en hydrocarbures des bassins « anciens »
(Crétacé-Paléogène) du segment nord demeure attractif, du fait de la
similitude de ces bassins avecceux productifs du Sud Soudan, mais une
exploration plus approfondie du point de vue sismique et forages est
nécessaire à une bonne évaluation du potentiel de cette région.
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