géologie de l'algerie

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    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie

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    Message par Admin Mar 28 Aoû - 12:43

    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie
    --------------------------------------------------
    Thème scientifique, zone d'étude, travaux antérieurs sur la zone
    21 Août - 17 Septembre 2003

    1-1. Le contexte tectonique de la marge algérienne: une histoire complexe, une déformation active

    Le pourtour méditerranéen constitue un domaine de tectonique vivante très complexe dans le détail, mais dont les grands traits de la formation et de l’évolution sont cernés depuis le milieu des années 80 (voir synthèse dans Gueguen et al., 1998, et Jolivet et al., 1999), notamment grâce à l'analyse et l'interprétation de données marines dont la phase d'acquisition avait débuté il y a 30 ans environ (voir Auzende, 1978). La manifestation la plus évidente des déformations récentes qui affectent la Méditerranée et son pourtour réside dans les saisissants et abrupts contrastes topographiques entre les bassins profonds et les massifs montagneux, pour la plupart représentés par de longues chaînes. Ce contraste est particulièrement clair en Afrique du Nord, le long des mille kilomètres de la côte algérienne (Figure 1)



    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig1p

    Figure 1.
    Bloc-diagramme du bassin algérien et de la marge algérienne, d'après les données GTOPO30 (vue en regardant vers le SE). Au premier plan, le bloc des Baléares; vers l'Est (10°E, 39°N), la pointe sud du bloc corso-sarde. Les altitudes sont en mètres
    (exagération verticale: 50 environ).


    Une autre manifestation, toute aussi évidente, est l'activité sismique régulière qui l'affecte. Le séisme d'El Asnam (10 octobre 1980, Ms = 7.3) a marqué le début de la prise de conscience de l'importance de la déformation active en Afrique du Nord et du danger potentiel qu'elle implique (Philip et Meghraoui, 1983; Yielding et al., 1989). Il a d'abord fourni l'occasion d'un approfondissement de la compréhension de la géologie structurale de la chaîne alpine et de l'Atlas en Afrique du Nord, et a engendré un très important effort international de recherche dont viennent d'être synthétisés les apports à l'occasion du 20ème anniversaire du séisme (congrès du CRAAG, Alger, 9-11 octobre 2000). Si les études à terre se sont multipliées, très peu de travaux ont concerné la marge sous-marine: il est clair aujourd'hui que les principales lacunes de connaissance, d'un point de vue géométrique et structural, sont au large de l'Afrique du Nord.
    Le projet de campagne présenté ici, nommé MARADJA (MARge Active de "el DJAzaïr" = Algérie), part du constat simple qu'une part probablement non négligeable de la déformation active en Afrique du Nord se produit non seulement dans le système Tell-Rif terrestre, mais également au large des côtes, comme l'atteste la sismicité instrumentale, et que de nombreuses zones urbanisées s'étendant sur le domaine côtier sont donc soumises à un risque important. Un des objectifs fondamentaux de la campagne MARADJA est en conséquence d'identifier et de caractériser les structures actives sous-marines depuis la côte vers le large. Une autre nécessité est d'établir le lien entre la géométrie et le style tectonique de ces zones en cours de déformation et l'histoire géodynamique récente de l'Afrique du Nord, notamment par l'identification en mer des prolongements des grandes limites entre le système Tell externe et les zones internes, vestiges méridionaux de la marge européenne (Bouillin, 1986, 1989).
    Nous présentons ici les principaux éléments résumant la morpho-structure et l'histoire des Maghrébides centrales et de la marge, puis donnons les arguments actuels en faveur d'une déformation sous-marine active. Nous montrons ensuite quelles questions majeures restent aujourd'hui posées, que ce soit dans l'évaluation réelle du risque géologique au large des côtes algériennes ou dans le mode et les mécanismes de la déformation récente et actuelle.



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    Message par Admin Mar 28 Aoû - 12:49

    1-2. Morphologie et structure générale de la marge nord-algérienne et du bassin algérien

    La marge continentale algérienne s'étend sur environ 1000 km d'ouest en est, entre les longitudes 2.2°W et 8.5°E (Figure 1). Le bassin algérien (parfois appelé nord-africain) a un fond approximativement plat, situé aux environs de -2700 mètres (Auzende, 1978). La marge nord-algérienne a (à cette échelle) une morphologie assez simple, caractérisée par un plateau continental très étroit (généralement moins de 10 km, à l'exception de quelques baies) et une pente continentale forte (10° en moyenne, plus de 20° parfois, voir Leclaire, 1968, 1972). Deux indices morphologiques nets montrent d'ores et déjà une influence structurale sur cette pente d'orientation générale E-O (Auzende, 1978): 1. Des indentations NE-SO (Oran, la Galite) et NO-SE qui forment les golfes; 2. Les nombreux canyons sous-marins dont certains utilisent les mêmes directions NE-SO et NW-SE (Leclaire, 1968). Les coupes topographiques sériées (à terre) publiées récemment par Frizon de Lamotte et al. (2000) montrent que les reliefs de l'Atlas dominent sur les reliefs voisins du Rif et du Tell (altitudes maximum de 2500 m dans le Rif central et en Grande Kabylie).
    Depuis longtemps, de nombreux auteurs ont attiré l'attention sur ces interruptions plus ou moins régulières dans la linéarité de la morphologie de la marge algéro-marocaine, aussi bien sur le fond actuel que dans la structure du socle (e.g., Auzende et al., 1975; Auzende, 1978; Mauffret et al., 1987, 1992). En particulier, sont décrits: (1) une ride de socle orientée ONO-ESE à l'ouest d'Alger (2.3°E); (2) à l'est, une inflexion nette de la marge vers 5°E, correspondant à la baie de Bejaïa; et (3), à l'ouest, au niveau d'Oran, un net changement de direction de la marge, suivi vers l'est par un escarpement raide, nommé Habibas (Mauffret et al., 1987). Ces irrégularités sont le plus souvent interprétées par les auteurs, sur la base de profils sismiques, d'anomalies magnétiques et gravimétriques, ou d'alignements de séismes, comme étant contrôlées par des failles, par similitude avec les structures faillées et les plis reconnus à terre (Mauffret et al., 1987; Meghraoui et al., 1986, 1996; Morel et Meghraoui, 1996). L'idée majeure proposée est que la large zone faillée, complexe, qui s'étend à terre et en mer dans le système Rif-Tell et jusqu'au pied de la marge, serait une zone de chevauchement "hors-séquence" passant à travers plusieurs domaines structuraux, et s'étendant depuis le banc de Gorringe jusqu'aux reliefs du Tell les plus orientaux (Morel et Meghraoui, 1996; Frizon de Lamotte et al., 2000; voir partie centrale sur la Figure 2). Plusieurs structures majeures qui la jalonnent d'ouest en est sont fréquemment citées, toutes d'orientation grossièrement NE-SO: les anticlines du banc de Gorringe et de la ride d'Alboran (Mauffret et al., 1987; Woodside et Maldonado, 1992), l'accident des Habibas (Mauffret et al., 1992), le pli-rampe d'El Asnam et sa prolongation de la faille de Relizane (Meghraoui et al., 1986, Yielding et al., 1989), les bordures du bassin de la Mitidja, au sud d'Alger (Meghraoui, 1991; Figure 2), et les failles de Tazmalt-Bejaïa le long du bord sud de la Grande Kabylie (Boudiaf et al., 1999). Pour la plupart, ces accidents révèlent une composante inverse sénestre et semblent souvent conjugués à des accidents décrochants dextres (avec une composante inverse selon Meghraoui et al., 1996), de direction NO-SE à E-O, depuis Oran jusqu'à Alger (failles d'Arzew, Mostaghanem, El Marsa, Ténès, Tipaza, et Thénia, cf Mauffret et al., 1987, Boudiaf et al., 1999, Figure 2). C'est une organisation assez proche de celle observée dans le Rif à l'Ouest, sans les failles normales N-S reconnues vers 4°W, au Nord de la faille Nekor (cf Calvert et al., 1997). Cette disposition indique selon Mauffret et al. (1987) et Meghraoui et al. (1996) que les accidents E-O, très récents (Thomas, 1976) contrôlent le système de failles NO-SE (Figure 2). Elle est à l'origine de différents modèles de déformation que nous évoquerons dans le §1.5, après avoir rappelé l'évolution géodynamique du système Tell-Rif (§1.3) et avoir détaillé quelles structures parmi les failles citées sont effectivement actives et quelle connaissance existe sur leur géométrie (§1.4).



    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig2p

    Figure 2.
    Esquisse néotectonique de l'Atlas Tellien en Algérie, et prolongements supposés en mer (Meghraoui et al., 1996). Remarquer la distribution parallèle des plis et failles inverses sénestres dans la direction NE-SO dans les bassins inversés néogènes et quaternaires, qui caractérise une disposition en échelon dextre, ce qui suggère en de nombreux endroits l'existence en profondeur de failles à composante décrochante dextre dominante ~E-O qui contrôleraient les autres segments. Noter également que les tracés sous-marins sont largement hypothétiques.



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    Message par Admin Mar 28 Aoû - 12:50

    1-3. La chaîne nord-algérienne connue par les études à terre: description et évolution géodynamique
    A. Les grands ensembles structuraux


    De Ceuta à Bizerte la côte africaine de la Méditerranée est sensiblement parallèle, à petite échelle, à la chaîne Maghrébide. Dans le détail, la côte de la Méditerranée recoupe les différents ensembles constitutifs de cette chaîne alpine ainsi que son avant-pays. Tous ces éléments sont donc impliqués d'une façon ou d'une autre dans la marge algérienne. Sur la transversale de l'Algérie, l'avant-pays de la chaîne Maghrébide est complexe (Figure 3). Il comporte : (1) des bassins d'avant-chaîne, (2) des zones peu déformées (hauts-plateaux), (3) un autre édifice orogénique: le système atlasique (Atlas saharien , Aurès), et (4) au Sud, la plate-forme saharienne stable. Du Sud au Nord, la chaîne elle-même est constituée de trois ensembles principaux:
    - (1) un domaine externe, ou domaine tellien, constitué par un ensemble de nappes à vergence sud, découpées dans des terrains sédimentaires surtout marneux et calcaires, principalement crétacés et paléogènes: en Algérie ce sont les unités telliennes sensu-stricto. Au sein de ce domaine apparaissent localement des massifs formés de terrains métamorphisés à l'Alpin. Ces unités dérivent d'une ancienne marge africaine de la Téthys.
    - (2) des nappes pelliculaires de flyschs crétacés-paléogènes, largement chevauchantes sur les unités telliennes. Le substratum stratigraphique de ces dépôts profonds n'affleure que très localement et comporte des roches basiques et ultrabasiques jurassiques. Ces flyschs se sont donc déposés dans un bassin de nature au moins partiellement océanique, le bassin maghrébin, qui se reliait vraisemblablement au bassin ligure de la Téthys.
    - (3) un domaine interne qui comporte : a) des massifs de socle métamorphique panafricain et hercynien; b) des terrrains cambriens à carbonifère modérément métamorphisés et leur couverture mésozoïque et tertiaire formant la Dorsale calcaire. Ces zones internes sont surtout développées à l'Est d'Alger où elles constituent les massifs de Grande et Petite Kabylie. A l'Ouest, le massif du Chenoua et le Cap Ténès en sont des témoins, réduits aux unités de la Dorsale calcaire. Les zones internes chevauchent le domaine des flyschs et le domaine tellien. En petite Kabylie, les chevauchement sont très plats et des formations mésozoïques et éocènes métamorphisées, appartenant aux unités telliennes et aux flyschs, apparaissent en fenêtre sous le socle kabyle à plusieurs dizaines de kilomètres en arrière du front de chevauchement.



    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig3p
    Figure 3.
    Carte structurale schématique de la chaîne Magrébide montrant la disposition des zones internes et externes, et coupe simplifiée sur la transversale de la grande Kabylie, d'après Durand-Delga et Fontboté (1980).

    De nombreux auteurs admettent que les différents massifs internes de la chaîne Maghrébide (zones internes bético-rifaines, Kabylies, massif péloritain de Sicile, socle calabrais) étaient initialement regroupés en un bloc unique, appelé l'AlKaPeCa (Bouillin et al., 1986). Cet ensemble, probablement émergé pendant une partie du mésozoïque et jusqu'à l'Oligocène, était bordé au Sud par une marge continentale jurassique et crétacée dont les tronçons rifain, kabyles et péloritains de la Dorsale calcaire maghrébide sont les témoins. Différents arguments, dont l'étude du socle submergé dans le canal de Sardaigne entre la Sardaigne et la Tunisie (campagnes SARCYA et SARTUCYA, Mascle et Tricart, 2001; Mascle et al. 2001), conduisent à supposer que l'AlKaPeCa était lui-même rattaché à la Sardaigne et ainsi à la marge européenne de la Téthys. Les trois grands ensembles de la chaîne maghrébide résultent donc probablement de la convergence et de la collision d'un élément de la marge sud-européenne avec la marge nord-africaine d'un bassin téthysien maghrébin qui faisait communiquer la Téthys ligure avec l'Atlantique central. Cependant, certains auteurs présentent des reconstitutions différentes, faisant passer une branche de la Téthys entre les Kabylies et la Sardaigne et reliant ainsi directement la suture à métamorphisme HP/BT des Alpes et de Calabre à celle connue dans les Cordillères Bétiques (voir discussion au §1-3B).
    Par ailleurs, des bassins sédimentaires d'âge oligocène supérieur à plio-quaternaire sont apparus à différents stades de la formation de la chaîne:
    - Le bassin Oligo-Miocène kabyle: le socle kabyle, auparavant émergé, a été recouvert en discordance à partir de la fin de l'Oligocène par les dépôts détritiques de l'Oligo-Miocène kabyle (OMK). Dans ce bassin de l'OMK se sont mis en place au Burdigalien moyen, par glissement gravitaire sous-marin, des olistostromes dont le matériel provient de la zone des flyschs et de la zone tellienne. Des dépôts identiques à ceux de l'OMK sont également connus sur les zones internes bético-rifaines, péloritaines et en Calabre. Ils témoignent de l'extension du bassin correspondant. Ce bassin est en partie postérieur, en partie contemporain, d'un épisode tectonique majeur dans les zones internes, enregistré par différents phénomènes thermiques (datations 39Ar/40Ar; datations par traces de fission). Des arguments structuraux et chronologiques acquis en Sicile et dans le Canal de Sardaigne (Kezirian et al., 1993, Bouillin, 2000), permettent d'envisager que ce bassin s'est formé par rifting à l'Oligocène terminal et a constitué le premier stade de la séparation entre la Sardaigne et l'AlKaPeCa, c'est-à-dire le début de la formation de l'actuel bassin algérien.
    - Le bassin du flysch numidien : pendant que l'Oligo-Miocène kabyle se déposait au Nord de la Dorsale calcaire, le flysch numidien remplissait, au Sud, à partir de l'Oligocène supérieur, un bassin probablement en grande partie hérité de celui des flysch crétacés-paléogènes mais qui débordait sur le domaine tellien. La sédimentation s'est poursuivie jusqu'au Burdigalien inférieur. Au Burdigalien moyen supérieur, le bassin numidien a été inversé et une partie de son contenu a glissé vers le Nord dans le bassin Oligo-Miocène interne.
    - Les bassins "post-nappes": des bassins discordants, postérieurs aux grands chevauchements des zones internes, des nappes de flysch et des nappes telliennes, se sont formés sur l'ensemble de la chaîne à partir du Langhien. On trouve de tels bassins sur les zones internes de Petite et de Grande Kabylie. Ils sont peu déformés mais ont néanmoins enregistré, par la fracturation, une succession d'épisodes tectoniques. D'autres bassins s'étendent sur les zones externes : bassins de Constantine, de la Soummam, du Cheliff. Ils ont subi des déformations d’âge miocène à quaternaire (plis, petits chevauchements, fracturation) plus importantes que celles des bassins des zones internes.
    - Les bassins "avant-fosse", implantés sur l'avant-pays de la chaîne Maghrébide : l'avant-fosse sud-tellienne, qui s'étend du Hodna à l'avant-pays rifain en passant par l'avant-pays de l'Algérie occidentale s'est formée de la fin du Miocène inférieur au Miocène moyen. Dès le Langhien (Guiraud, 1977), au Serravallien et principalement au Tortonien, ce bassin a reçu des olistostromes et des nappes de glissement gravitaires en provenance des zones externes de la chaîne (unités telliennes et flyschs).


    Enfin des phénomènes magmatiques se sont développés tout au long de la côte algérienne. Ils sont particulièrement développés en Petite Kabylie, où des massifs de granitoïdes se sont mis en place à partir de 16 Ma, mais des épisodes volcaniques d'âges variés affectent l'ensemble de la zone littorale, du Langhien au Plio-Pleistocène. Ce magmatisme calco-alcalin ne peut pas être mis en relation d'une façon simple avec une subduction active et il est envisagé qu'il résulte plutôt d'un phénomène de détachement de slab (voir synthèse dans Maury et al., 2000).

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    Message par Admin Mar 28 Aoû - 12:52

    B. Evolution géodynamique

    Les différents éléments structuraux présentés ci-dessus résultent d'une évolution géodynamique comportant :
    (1) Une histoire distensive jurassique, avec un rifting débutant au Lias inférieur moyen et une ouverture océanique, probablement assez limitée, au Jurassique supérieur. On a ainsi formation du bassin profond dans lequel se sont déposés les flysch crétacés paléogènes. Les deux marges de ce bassin donneront respectivement les unités des zones externes de la chaîne et celles de la Dorsale calcaire.
    (2) Des épisodes tectoniques crétacés (dès le Crétacé inférieur) sont avérés (déformations dans le chaînon des Babors, près de Bejaia; recristallisations métamorphiques datées) mais leur nature (distensive ou compressive) et leur importance restent conjecturales, même si certaines interprétations leurs donnent un grande importance (Mahdjoub et al., 1997).
    (3) L'évolution ultérieure est contrôlée par la convergence Europe-Afrique à partir du Crétacé supérieur. La tectonisation des zones internes de la chaîne semble débuter à l'Eocène supérieur (Figure 4) et se développer au cours de l'Oligocène. L'érosion de reliefs qui se forment dans le domaine du socle kabyle provoque une sédimentation détritique épaisse sur une partie de la Dorsale calcaire, en cours de structuration, et dans le domaine des flyschs. L'on peut attribuer cet épisode à une subduction de la Téthys maghrébine sous la marge Sardaigne-Baléares à laquelle nous admettons que les Kabylies étaient rattachées (Figure 4).
    A l'Oligocène supérieur - Aquitanien (-28 à -20 Ma), la dénudation des massifs internes est datée par les traces de fission dans les socles calabro-péloritains (Thomson, 1994); En Calabre, en Grande Kabylie, des cisaillements dans le socle datés de l'Oligocène rejouent en faille normales ductiles (Platt et Compagnoni, 1990; Saadallah et Caby, 1996). Les massifs kabyles se détachent de la marge Sardaigne-Baléares dont ils sont séparés par le bassin nord-algérien à valeur de bassin arrière-arc (cf. Vergés et Sàbat, 1999; Frizon de Lamotte et al., 2000, Figure 4). On peut supposer que la subduction de la Téthys Maghrébide se poursuit au Sud d'un arc montagneux formé par la partie sud du socle kabyle et le domaine de la Dorsale; au Sud, la série détritique numidienne se dépose dans la partie restante du bassin maghrébin et sur une partie de la marge tellienne (e.g., Aïté et Gélard, 1997).
    Au Burdigalien supérieur (-18 Ma), des olistostromes et des nappes gravitaires constituées par des flyschs crétacés-paléogènes, des marnes du domaine tellien et du flysch numidien glissent vers le Nord dans le bassin de l'Oligo-Miocène kabyle qui s'est progressivement approfondi au cours du Miocène inférieur. Ce phénomène peut être attribué au blocage de la subduction, les zones internes étant alors accrétées à l'Afrique. Les bassins langhiens scellent effectivement les chevauchements dans les zones internes et dans la partie la plus septentrionale des zones externes. Le magmatisme se développe à partir de cette époque (16 Ma). Différents auteurs envisagent alors un retrait de la subduction vers l'Est (Doglioni et al., 1997), accompagnée de la formation de l'arc calabro-péloritain et de l'ouverture de la mer Tyrrhénienne, ou un retrait à la fois vers l'Est et vers l'Ouest, pour rendre compte des déplacements vers l'Ouest observés dans l'arc de Gibraltar (Frizon de Lamotte et al., 2000). Des chevauchements se poursuivent cependant dans la partie Sud des zones externes au Serravallien et au Tortonien (Vila, 1980; Thomas, 1985) et atteignent alors le domaine des chaînes atlasiques, ce qui implique une poursuite de la convergence entre le bloc interne et la marge africaine (Figure 4). Les zones internes restent également en régime compressif, marqué par des plis à grand rayon de courbure (Aïte et Gélard, 1997). Le Pliocène paraît avoir enregistré une compression N-S dans le Cheliff (Meghraoui et al., 1986).
    Au Pléistocène et au Quaternaire inférieur, la poursuite de la convergence entre Europe et Afrique se localise principalement dans le chaînes atlasiques, au Sud de la Chaîne Maghrébide, mais elle est également enrgistrée dans le bassin du Chéliff (Meghraoui et al., 1986). Enfin la sismicité actuelle (voir (§1.4) se concentre le long d'une bande E-O traversant la mer d'Alboran et les zones externes maghrébides, correspondant probablement (très grossièrement) à la limite de plaques actuelle. Des chevauchements et des plis de rampes quaternaires se localisent le long de cette zone, principalement dans le bassin du Cheliff (Meghraoui et al., 1986, 1996) et en bordure du bassin de la Soummam (Boudiaf et al., 1999).



    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig4p
    Figure 4 A.
    Modèle d’évolution cinématique sur la transversale des Baléares à la plate-forme saharienne entre l'Eocène Terminal (bas) et le Pléistocène (haut), d'après Frizon de Lamotte et al. (2000, modifié de Vergés et Sàbat (1999).

    Pour conclure d'un point de vue de l'évolution géodynamique, il semble que les deux phases majeures de construction de l'Atlas se corrèlent bien avec le début et la fin de la formation des bassins Méditerranéns néogènes (Frizon de Lamotte et al., 2000), et s'accompagnent d'une importante distension néogène dite parfois "post-collisionnelle" entre -28 et -11 Ma. Le débat central entre les auteurs porte finalement non seulement sur les mécanismes majeurs à l'origine de la déformation, notamment autour du domaine d'Alboran (voir le débat entre les effets d'une délamination lithosphérique défendu par Platt et al.,1998 ou Maury et al., 2000, et ceux du 'roll-back' du slab océanique subduit, proposé entre autres par Lonergan et White, 1997, et Frizon de Lamotte et al., 2000), mais aussi sur les causes et les modalités de la mise en place des bassins néogènes et de la séquence de chevauchement des nappes, les directions de transport variant d'une région à l'autre. Dans le système du Tell, à terre, il est important de noter que ce transport se fait vers le sud, aussi bien lors de la phase compressive du Serravalien (Wildi, 1983) que lors de la phase Pliocène (Meghraoui et al., 1986, 1996; Meghraoui, 1991; Yielding et al., 1989). La déformation sous-marine au pied de marge est par contre très mal connue. Nous la décrirons dans le § 1.4B. Nous allons préciser maintenant l'état des connaissances sur cette déformation active au large.



    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig4bp
    Figure 4 B.
    Evolution géodynamique de la chaîne Maghrébide sur la transversale du Canal de Sardaigne (Bouillin, 2001), pour comparaison avec (A). - a) Episode 1: Déformation et métamorphisme décroissent en allant du domaine Kabylo-Péloritain à la Sardaigne, arrière–pays de la chaîne Maghrébide. - b) Episode 2: ouverture du bassin nord-algérien : le front actif de la Chaîne se détache de la Sardaigne par inversion distensive d’anciens chevauchements; l’Oligo-Miocène kabylo-péloritain (OMKP) se dépose dans le nouveau bassin. - c) Des olistostromes et des nappes gravitaires glissent dans le bassin de l’OMKP, à la suite d’un soulèvement provoqué par le blocage de la subduction. Episode 3: ouverture du bassin Tyrrhénien – d) les andésites à enclaves de lamprophyre du Mont Cornacya marquent le début de l’ouverture Tyrrhénienne – e) L’ouverture Tyrrhénienne disloque la partie orientale de la chaîne Maghrébide et entraîne le bloc calabro-péloritain loin de la Sardaigne.

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    Message par Admin Mar 28 Aoû - 12:53

    1-4. La marge algérienne, zone de déformation active potentiellement dangereuse
    A-
    Sismicité historique et instrumentale
    La carte d'estimation du risque en Méditerranée (Figure 5) est très dépendante de l'occurrence récente de grands tremblements de terre. Il apparaît cependant que certaines régions de la bordure nord algérienne sont soumises à un risque élevé comparé à d'autres régions en Méditerranée (Hamdache, 1998 ; Aoudia et al., 2000). Même si une activité sismique se manifeste dans l'Atlas (Hauts Plateaux, Haut Atlas, Atlas Saharien), l'essentiel de la sismicité des 40 dernières années est concentrée au sein du système Rif-Tell (Figure 6), constitué essentiellement de bassins inversés intégrés dans une structure générale de nappes (Figures 2 et 4). Depuis la fin du Pliocène, l'ensemble du système est soumis à un raccourcissement globalement NO-SE à NNO-SSE (voir synthèse dans Meghraoui et al., 1986, 1996).
    L'essentiel de l'analyse sismologique a porté sur les séismes à terre (Roussel, 1973), notamment après les séismes d’Orléanville et de El Asnam (voir Philip et Meghraoui, 1983; Meghraoui et al., 1986; Ambraseys et Vogt, 1988; Yielding et al., 1989; Dewey, 1990 ; Vogt et Ambraseys, 1991). Les mécanismes au foyer des séismes de magnitude supérieure à 5.5 (Figure 7) montrent une très grande dominance des mouvements inverses sur des failles orientées NE-SO et à plongement NO, dont le séisme d'El Asnam représente l'archétype (Yielding et al., 1989). Selon ces mêmes auteurs, le pendage assez raide de ces failles et leur profondeur faible (0-8km) montrent qu'il s'agirait d'anciennes failles normales de la marge nord-africaine (en fait, Tellienne) qui s'enracinent sur un décollement de faible pendage (20°) et seraient réactivées en compression. Selon eux, comme il n'y a pas d'indices de subduction au pied de la marge actuelle, c'est toute la marge qui accommode la convergence Afrique-Europe dans ce secteur en activant préférentiellement les segments en relais qui jalonnent le front de la chaîne côtière du Tell. Dans la région d'El Asnam, les segments voisins de Bou Kadir et Dahra seraient également historiquement activés, et donc à fort potentiel sismique (Meghraoui et al., 1986 ; Dewey, 1990). Plus à l'Ouest, dans la partie atlantique (banc de Gorringe, Guadalquivir) et la mer d'Alboran, Meghraoui et al. (1996) notent au contraire l'abondance de mouvements décrochants dextres sur des plans E-O à ESE-ONO, notamment dans le Rif. Les axes P des mécanismes montrent globalement les mêmes directions NO-SE à N-S.



    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig5p

    Figure 5.
    Carte du risque sismique (accélération horizontale au sol calculée) représentant les conditions à un site stable pour un excédent de taux d'occurrence de 10% dans les 50 ans en Méditerranée (Grünthal et al., 2000).



    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig6p

    Figure 6.
    Carte de sismicité de l'Algérie enregistée par les réseaux terrestres au XXème siècle, et grands mécanismes au foyer (CRAAG, 2000).

    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig7p
    Figure 7.
    Carte sismotectonique de la partie Ouest et centre du Tell, et principaux mécanismes au foyer des séismes de magnitude supérieur à 5.5 entre 1977 et 1988, modifié d'après Meghraoui (1988).

    L'activité sismique en mer est elle beaucoup plus difficile à cerner, en raison de la très faible densité du réseau sismologique permanent à terre et du faible nombre d'études structurales détaillées. Ainsi, la carte sismotectonique de Meghraoui (1988), par défaut d'informations, ignore la déformation sous-marine (version simplifiée de cette carte sur la Figure 2). Cependant, les archives, rapports, et les catalogues de sismicité (Rothé, 1950; Roussel, 1973; Benhallou, 1985; Ambraseys et Vogt, 1988; Vogt et Ambraseys, 1991) montrent que de nombreux et d'importants séismes se sont produits au large (environ 20 entre 1365 et 1999 de magnitude estimée supérieure à 5, certains atteignant la magnitude 71/2). Les principales villes côtières touchées par ces séismes sont: Alger (1365, 1673, 1716, 1924, 1989, 1996), Oran (1790, 1889, 1912, 1959), Ténès (1867, 1955, 1956), Bejaïa-Bougie (1865, 1880, 1946), Djidjelli (1856), et Gouraya (1891). Parmi ces séismes, trois nous paraissent représentatifs et assez bien connus (Yelles et al., 1999):
    1. Alger, 2 janvier 1365: il détruisit une partie de la ville, et le petit tsunami qui suivit a inondé la ville basse; son intensité maximale est de X, sa magnitude a été estimée à 71/2.
    2. Djidjelli, 21 août 1856: les analyses des effets du séismes ont conduit à localiser une zone épicentrale à quelques kilomètres au nord de la ville de Djidjelli, dans l'est algérien (à moins de 100 km à l'est de Bejaïa). Selon Yelles (1991), le tsunami modéré associé aurait été généré par un courant de turbidité similaire à celui déclenché par le séisme d'Orléansville du 9 septembre 1954. La magnitude de ce séisme a été estimée à 71/2, et son intensité maximale est de X.
    3. Gouraya, 15 janvier 1891: Il s'agit de deux chocs majeurs séparés de 12 secondes (Gouraya est à mi-chemin sur la côte entre Cherchell et Ténès). Plusieurs maisons s'effondrèrent, il y eut environ 40 morts. Là encore la magnitude de ce séisme a été estimée à 71/2, et son intensité maximale à X.


    Plus récemment, deux autres séismes de la période instrumentale ont permis de mettre en évidence cette activité sous-marine:
    1. Tipaza, 29 octobre 1989: de magnitude 6.1, son épicentre a été localisé en mer, à quelques kilomètres des côtes, au NE de Tipaza (Meghraoui, 1991, voir Figure Cool. Répliques, mécanismes au foyer, traces de surface reconnues à terre, convergent pour indiquer une rupture en faille inverse sur un plan de faille passant sur au moins 20 km en mer, orienté NE-SO, plongeant vers le NO, d'une manière très semblable à ce qui est observé à El Asnam. Là encore, comme dans la région d'El Asnam, cette faille borde au nord une ride anticlinale très visible, celle du Sahel. Il s'agit clairement d'un pli-faille qui, à terre, change de direction pour s'enrouler autour du mont Chenoua au nord, ce qui suggère en profondeur une géométrie en duplex (structures imbriquées avec flexure à la surface et pli assymétrique déversé vers le sud). Le plan majeur de rupture, d'après les répliques, se situe entre 0 et 10 km de profondeur (Meghraoui, 1991; Yelles et al., 1999). Cette configuration se retrouve de manière frappante dans le Rif (régions de Melilla et Alhoceima, séismes de 1992 et 1994, voir Bezzegoud et Buforn, 1999), mais avec une composante décrochante en apparence moins importante.
    2. Ain Benian, 4 septembre 1996: ce séisme de magnitude 5.7 a provoqué des dégâts à Alger et blessé 15 personnes. Il montre l'existence d'une faille inverse orientée N30-40° à quelques kilomètres au large d'Alger, dans le prolongement Est de l'anticlinal du Sahel (Yelles et al., 1999). Il semble comparable au séisme de Mascara (Mw=5.7) du 18 août 1994, au sud de la baie d’Arzew (Benouar et al., 1994 ; Bezzegoud et Buforn, 1999).




    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig8p


    Figure 8.
    Isoséistes du séisme de Tipaza (29 octobre 1989, M=6.1), d'après Meghraoui (1991), et principales répliques localisées avec un réseau terrestre temporaire (carrés noirs) installé après la rupture principale (Yelles et al., 1999).

    De cet examen de la sismicité historique et instrumentale, il ressort donc que des séismes sous-marins relativement proches de la côte ont régulièrement affecté les villes côtières d'Algérie depuis 7 siècles, et notamment les régions d'Alger, Ténès, Oran, et Bejaïa, et qu'ils ont fréquemment déclenché des tsunamis. Par ailleurs, les directions et plongements de failles décrits lors de ces événements révèlent la même prédominance constatée précédemment (voir § 1.3), à savoir celle des failles orientées NE-SO, plongeant vers le NO, confirmant donc la réactivation préférentielle de ce système de failles (apparemment héritées) dans le champ de contrainte actuel NO-SE (e.g. Bezzegoud et Buforn, 1999). A partir de cette seule base de données sismologiques, il est par contre difficile de préciser le rôle et le potentiel sismogène de la plupart des décrochements dextres E-O, et de dire s'il existe des séismes plus éloignés de la côte, par exemple jusqu'au pied de la marge. Il est nécessaire pour cela de compiler les informations disponibles par analyse structurale en mer.

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    Message par Admin Mar 28 Aoû - 12:56

    B. Campagnes antérieures: Indices de déformation au large par la sismique-réflexion et la géophysique

    La déformation sous-marine au pied de marge est dans l'ensemble très mal connue, en raison de la rareté et du grand espacement des profils sismiques, de leur ancienneté relative, et de leur résolution faible, non adaptée à l'analyse des déformations superficielles. Sur la base de profils sismiques de la campagne POLYMEDE, il a été proposé il y a longtemps que la déformation au pied de marge est à vergence opposée à celle observée sur la frange côtière du Tell (Auzende et al., 1975), indiquant même selon ces auteurs le stade initial d'une subduction qui serait attestée par l'importance des anomalies gravimétriques négatives (-50 à -70 mgals), très linéaires, au pied de marge (Finetti et Morelli, 1973; Mauffret et al., 1987) et la présence de bassins plio-quaternaires sur des dépôts messiniens et infra-messiniens flexurés.
    Depuis cette époque et ces premières explorations, une maille de profils de sismique-réflexion de bonne pénétration mais de faible résolution a été établie par la Société de Pétrole algérienne, la SONATRACH, mais avec un espacement supérieur à 10 km (Figure 9A). Seules les zones d’Arzew-Oran et d’Alger bénéficient d’un maillage dense, mais les profils sont généralement de faible résolution et de qualité très variable. Par ailleurs, quelques profils de type Sparker ont été obtenus lors de la campagne BRETANE (valorisation de transit) sur l'Atalante en 1995 par A. Mauffret, mais cette campagne utilise seulement le ‘multifaisceaux’ EM12 et ne couvre qu'une bande étroite au pied de la marge algérienne et la zone du bassin de pied de pente, à plus de 12 milles des côtes (localisée vers 3°E 37.2°N sur la Figure 10A). Enfin une campagne d’océanographie physique, ALMOFRONT2 (chef de mission Louis Prieur, LOV, Villefranche-sur-Mer) a couvert en bathymétrie EM12 la mer d’Alboran, mais n’a pas couvert la zone côtière et ne concerne que l’extrémité ouest de notre zone d’étude (Figure 9B). Il n'y a donc ni la couverture ni la résolution nécessaires pour la recherche envisagée ici.
    La seule carte néostructurale publiée pour la marge algérienne est celle de Mauffret et al. (1987): elle est représentée sur la Figure 10A. Ces auteurs montrent qu'en effet, il existe une grossière correspondance entre la présence d'anomalies gravimétriques négatives au pied de marge et des surépaississements du Plio-Quaternaire situés en amont de gros dômes de sel: ainsi, 3 larges zones de bassins sous-marins sont identifiés, à environ 10-20 km de la côte, au droit d'Oran, de Ténès et d'Alger, séparés par des points hauts que sont les massifs d'Alger-Khayr Al-Din, Bou-Maad et Dahra (Figure 10A et 10B). Tenant compte de la présence de failles décrochantes dextres E-O déjà mentionnées à terre et en mer (voir § 1.2), ces auteurs suggèrent que la marge est en quelque sorte découpée en une suite de blocs ayant des mouvements relatifs dextres (Figure 10B), ce qui induirait selon Meghraoui et al. (1996) des rotations provoquant un jeu en dominos et une déformation interne en cisaillement sénestre sur des failles NE-SO (Figure 11). Les principales failles actives reconnues sont, d'ouest en est: la faille décrochante de Yussuf, E-O, dextre, la mieux identifiée; l'escarpement des Habibas; la zone décrochante de Dahra; la faille du sud de Ténès, décrochante dextre, passant hypothétiquement en mer; la faille bordière du massif de Khayr Al-Din (Figure 12), en face de Cherchell (Galdéano et Rossignol, 1977), et enfin, d'autres failles E-O supposées entre la grande Kabylie et la petite Kabylie, au large (Meghraoui et al., 1996, voir Figure 2).



    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig9p


    Figure 9A et B.
    Maille de profils sismiques le long de la marge algérienne des années 1970, et profils EM12 de la campagne ALMOFRONT2

    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig10p

    Figure 10A.
    Carte structurale et isopaque du Plio-Quaternaire (contour 0,5 km) au large du Rif et du Tell, extraite de Mauffret et al. (1987). (1-2): domaine interne et avant-pays; (3): allochtone; (4) bassins néogènes; (5-6-11): volcanisme; (7- 8 et 12): failles inverses - normales ou décrochantes; (9) plis; (10) axe haut; (13): épicentres; (14-15): limites-anomalies gravimétriques soulignant les bassins; (16) bassin de Yussuf. Failles: 3=Yussuf; 5=Arzew; 6=Mostaghanem; 7=Relizane.



    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig10bp
    Figure 10B.
    Esquisse néotectonique de la marge algérienne, extraite de Mauffret et al. (1987).



    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig11p

    Figure 11.
    Modèle de déformation en dominos avec rotation horaire de blocs crustaux sans extension latérale (C ) dans la zone de déformation au Nord de l'Afrique, appelée GALTEL (A), dans un contexte général de raccourcissement NNO-SSE et le jeu de grands cisaillements dextres d'orientation O-E ou ONO-ESE (B), d'après Meghraoui et al. (1996)



    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig12


    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig12ap
    Figure 12.
    La zone de Bou-Ismaïl et du banc de Khayr Al-Din au large de Cherchell, déterminé à partir de la bathymétrie (ci-dessous), des anomalies magnétiques (à gauche, en haut), d'après Galdéano et Rossignol (1977), et des anomalies gravimétriques (à gauche, en bas).

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    Message par Admin Mar 28 Aoû - 12:58

    C. Transport sédimentaire et instabilités de pente

    La pente algérienne est un exemple connu pour l'instabilité sédimentaire, notamment sous l'influence de grands séismes comme en 1954 et 1980 (El Robrini et al., 1985). La sédimentation sur la marge algérienne est alimentée par des sédiments carbonatés issus de la production primaire et des sédiments détritiques d’origine continentale. Les premiers résultent de la production primaire active et sont autochtones : bioclastes de lamellibranches et gastéropodes, thalles de lithothamniées, foraminifères et ostracodes. On en trouve plusieurs générations plus ou moins imbriquées sur le plateau continental, lorsqu’ils ne sont pas recouverts par les sédiments détritiques (Leclaire, 1972 ; Caulet, 1972 ; Braïk, 1989 ; El Houari, 1989 ; Bakir, 1992 ; Moulfi, 1995 ; Benslama, 1997).
    La sédimentation détritique provient du dépôt des matériaux fluviatiles fournis à la marge par les différents systèmes fluviatiles dont les 5 principaux sont (d’ouest en est) : le Chéliff (Mostaghanem), le Mazafran (Zéralda), l’Isser (Cap Djinet, Est Alger), le Sébaou (Dellys) et la Soummam (Bejaïa-Souk el Tenine). Il est important de noter que ces fleuves fournissent surtout des argiles et des silts et très peu de matériaux plus grossiers (sables; graviers) sauf quelquefois le Sébaou. Deux conséquences en résultent: les plages sont peu rechargées, et la déflation des sédiments fluviatiles, très fins, est facile sur un plateau continental étroit et très dynamique. Ce phénomène est aggravé depuis les années 80 par la présence de nombreux barrages (sur le Chéliff en particulier) et l’exploitation du sable des dunes côtières (golfes de Béjaïa, Zemmouri et Zéralda, voir Atroune, 1992; Moulfi, 1995; Benslama, 1997).
    Le tonnage des apports fluviatiles à la marge est très discuté. La raison objective principale est que les débits liquides interannuels sont très variables (facteur 20 au moins entre les années 60-70 et 80-90) tandis que les concentrations sont asymptotiquement limitées (25 à 35 g/l) ce qui explique en grande partie la variabilité des évaluations de flux détritiques exprimés par les différents auteurs (Leclaire, 1972; Demmack, 1982; Pauc et Benslama, 1988; Probst et Amiotte Suchet, 1992).
    Les directions générales de transit des sédiments sur le plateau suivent la direction générale ouest-est imprimée par la dérive atlantique. Cependant, celle-ci est souvent réfractée dans les golfes et baies pour donner près de la côte un contre-courant est-ouest. Ces dérives apparemment antagonistes distribuent les sédiments sur le plateau comme le montrent la plupart des études sédimentologiques (Leclaire, 1972; Maouche, 1987; Pauc, 1991; Atroune, 1992; Bakir, 1992; Moulfi, 1995; Benslama, 1997).
    La sédimentation récente sur le plateau continental est inférieure au volume des apports (Sellali, 1978), structurée en microbassins. Par contre, comme mentionné ci-dessus (§1.4B, Figure 9), trois surépaisseurs de matériel plio-quaternaire sont localisées en pied de pente devant Oran, Ténès et Alger par différents auteurs (Stanley, 1977; Mauffret et al, 1987). Il est donc évident que la plus grande partie du matériel détritique franchit très rapidement la marge pour sédimenter en pied de pente. De très nombreux canyons découpent la marge algérienne et il est probable que nombre d’entre eux véhiculent les sédiments vers le bas de pente (par exemple, on peut à l’automne suivre les apports de pulpe d’olive dans le canyon de la Soummam, le Nador coulant directement dans le graben du Chénoua), mais ce n’est pas toujours le cas (les canyons ne sont pas très évidents devant le Chéliff ni le Mazafran, et le canyon dit d’Alger ne semble pas transporter les sédiments de l’Isser). Il est donc probable que la dynamique de pente ne soit pas simple, mêlant transit, instabilité de pente et tectonique.

    2. Situation au niveau national et international, intégration dans un programme


    Cette demande intitulée MARADJA s'intègre à 3 niveaux différents dans les programmes ou projets de recherche scientifique nationaux et internationale: 1. Au niveau de la stratégie interne à l'équipe; 2. Au niveau national; 3. Au niveau international:
    1. Stratégie interne à l'équipe
    Cette demande est le premier volet d'un projet de notre équipe en deux étapes. La 2° mission (demande en janvier 2003, chef de mission Jean-Pierre BOUILLIN) sera le prolongement de la 1° en ce sens qu’elle apportera des arguments complémentaires et indispensables à la problématique abordée: structure, tectonique active et dynamique sédimentaire associée.
    La deuxième campagne étudiera des aspects sédimentaires et structuraux de la marge algérienne dans le but :
    1°) de mieux comprendre la formation et l'évolution oligo-miocène de la marge en relation avec la structuration de la chaîne Maghrébide;
    2°) d'étudier la tectonique active. L'objectif final sera de trouver des arguments pour préciser la nature des mécanismes géodynamiques qui sont intervenus dans la structuration de la chaîne et de la marge, dans la continuité de cette demande.

    Les données obtenues seront corrélées avec celles précédemment obtenues non seulement pendant MARADJA, mais aussi dans le Canal de Sardaigne où on a pu étudier, au cours des campagnes SARCYA et SARTUCYA, les zones internes de la chaîne maghrébide submergées et la transition entre l'extrémité orientale du bassin algérien et le bassin Tyrrhénien. La seconde campagne permettra aussi de revenir, si nécessaire, sur certaines zones déjà étudiées au cours de la campagne MARADJA.

    Afin d'établir cette jonction spatiale, cette deuxième campagne s'intéressera surtout à de nouveaux secteurs de la marge, avec comme objectifs possibles, encore largement à préciser : - le golfe de Bejaïa, limité par de grands systèmes de faille NE-SW, à l'W, NW-SE à l'Est, vers Djidjelli; - la marge près des côtes de Petite Kabylie, où l'on peut s'attendre à retrouver de grandes failles E-W délimitant le bassin de Collo, des intrusions magmatiques et où on cherchera à préciser l'extension latérale du corps mantellique du Cap Bougaroun; - la marge au large d'Annaba ou s'ennoie le Metamorphic Core Complexe de l'Edough. On tentera, près de la côte, de corréler les séries miocènes avec celles, incomplètes, connues à terre. On cherchera le prolongement en mer des grandes failles NE-SW qui découpent le socle de Petite Kabylie afin de préciser leur fonctionnement. Par ailleurs, le premier jeu de données ayant défini la géométrie du recouvrement sédimentaire et positionné les zones glissées, les zones de transit et celles dépourvues de sédimentation notable, la deuxième mission devra aussi apporter l’essentiel de la caractérisation des matériaux et de leur dynamique sur la partie ouest de la marge algérienne. Les outils seront la bathymétrie multifaisceaux EM300, la sismique haute résolution, les carottages, le magnétisme.

    2. Niveau national
    Cette demande de campagne, de par sa thématique, s'intègre dans les objectifs et les grands thèmes de recherche définis par le conseil scientifique du GDR Marges (entre le thème 1: Structure, thermicité, subsidence des marges passives, et le thème II: Processus sédimentaires). Il concerne aussi le thème "Instabilités" qui se met en place. Cette demande a obtenu en 2001 le label GDR Marges, thème Instabilités. Nous précisons que cet effort de recherche se fait de manière coordonnée et parfaitement complémentaire de la demande de campagne SISAL de A. Mauffret, qui a pour objectifs la structure profonde de la marge algérienne et du bassin profond, que nous n'abordons pas, puisque nous n'avons ni le même navire support, ni les mêmes outils, ni la même distribution géographique. Contrairement à SISAL, notre démarche est axée sur la morphologie de surface et la structure superficielle à semi-profonde (1 à 2 std) des zones de la marge jugées prioritaires en terme d'importance du risque géologique qu'elles représentent. Il est clair que l'information qui serait obtenue par les deux campagnes en parallèle est complémentaire. Nous en avons discuté avec A. Mauffret, avec qui l'action de campagne a été coordonnée, et sommes prêts à établir ensemble le lien entre nos équipes lors de l'exploitation des données pour une interprétation fructueuse sur le thème de la reprise en compression récente de la marge.
    3. Niveau international
    La campagne MARADJA a été initialement suscitée par le CRAAG (Centre de Recherches en Astronomie et Géophysique, Alger), de manière informelle, il y a 3 ans. Diverses obligations (réalisation et exploitations d'autres campagnes, notamment MALIS pour J. Déverchère) ont retardé la concrétisation de ce projet. Sa motivation essentielle repose sur le déficit crucial d'informations structurales et géomorphologiques au large des côtes algériennes, à l'évidence soumises à un risque important. C'est probablement la zone de la Méditerranée qui souffre des plus importantes lacunes de données en ce domaine, pour des raisons historiques: aucune donnée précise de multifaisceaux et de sismique haute résolution n'est disponible sur la plus grande partie des 1000 kilomètres de côte, qui représentent pourtant une zone peuplée, soumises à un risque sismique important (Figure 5). C'est l'essence même de ce projet que de combler cette lacune en priorité, dans un domaine méditerranéen où, sur la plupart des autres secteurs, un effort de recherches de données en géophysique marine a été mené dans les dernières années, notamment par la communauté française. Il n'est plus à démontrer que la Méditerranée est en effet un laboratoire naturel de tout premier plan pour la compréhension de processus géodynamiques auparavant mal compris (détachement du slab, délamination lithosphérique, roll-back, etc… voir synthèse dans Jolivet et al., 1999). Il paraît donc judicieux et fondamental de répondre à la demande de notre partenaire algérien dans ce contexte, et d'abord nous semble-t-il, dans le domaine de l'évaluation du risque (aléa d'une part, et vulnérabilité des grandes villes côtières d'Algérie).

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    Message par Admin Mar 28 Aoû - 13:02

    3. Résultats escomptés
    Le projet MARADJA a pour but d'améliorer les modèles de déformation de la marge algérienne et l'évaluation du risque, en remédiant à l'insuffisance des connaissances géomorphologiques et structurales sur la marge. Nos objectifs peuvent se résumer en 4 grandes actions: (1) Cartographie en réflectivité et bathymétrie, et enracinement superficiel des failles actives; (2) Style, importance relative, et distribution de la déformation; (3) Instabilités gravitaires et effets du sel messinien en bas de pente; (4) Tests des modèles de déformation de la marge.

    A. Mécanismes de déformation à grande échelle: roll-back versus effondrement gravitaire
    A l'examen des connaissances actuelles sur le domaine côtier algérien, il ressort d'abord qu'il n'y a pas encore d'explication univoque sur les mécanismes de mise en place des nappes et des chevauchements au néogène, à savoir, s'il existe une prédominance des processus liés au retrait du slab plongeant, de manière semblable à ce qui se passe aujourd'hui dans les Apennins par exemple (Jolivet et al., 1999, et références citées; Frizon de Lamotte et al., 2000), ou bien si l'effondrement gravitaire dit "post-collisionnel" oligo-miocène (Aïte et Gélard, 1997), corrélée à un important magmatisme calco-alcalin et à l'ouverture océanique du bassin algérien, implique ou non un détachement lithosphérique (Carminati et al., 1998a,b; Maury et al., 2000), une délamination lithosphérique ou bien même une érosion du manteau lithosphérique qui suivraient celles suggérées en Alboran (Platt et al., 1998). Un autre problème est de comprendre les causes et les modalités de la construction en deux temps de l'Atlas, qui n'est pas classique pour une chaîne, comme le remarquent justement Frizon de Lamotte et al. (2000): s'il paraît clair que cette construction biphasée résulte de l'initiation puis de l'arrêt des processus de subduction agissant en Méditerranée, il est important de comprendre les liens actuels entre: (1) les structures en plis et failles qui jalonnent systématiquement la partie nord du système orogénique de type accrétion Rif-Tell, et (2) la géométrie de la subduction passée, qui, à l'évidence, a provoqué un fort découplage entre l'Atlas, qui obéit grossièrement à une logique de rapprochement cinématique Europe-Afrique, et la marge Tell-Rif, qui a "encaissé", elle, dès le Miocène, les effets de la translation des déformations vers l'ouest liés à la subduction de l'océan Téthys maghrébin (Figure 4). Les auteurs s'accordent pour considérer en tout cas que depuis le Quaternaire inférieur, l'essentiel de la déformation est transférée de l'Atlas vers la bordure de type 'prisme' au nord, à savoir le système Tell-Rif, ce dont témoigne la sismicité connue (Figure 6). Notre propos, dans ce cadre, est d'identifier l'importance et l'extension des déformations affectant la partie immergée de cette portion de marge Tell-Rif, et d'y déceler éventuellement une influence de la subduction fossile.

    B. Modèles de déformation actuelle: limites de blocs et enracinement, taux de déformation

    La sismicité et la tectonique compressive plio-quaternaire montrent que la déformation au Nord de l'Afrique se distribue sur une zone relativement large au sein du système Gorringe-Alboran-Tell (Figure 6), ce qui a amené Meghraoui et al. (1996) à proposer le terme de GALTEL pour désigner cette zone de déformation distribuée. L'examen des données sismotectoniques nous amène à poser trois problèmes importants quand il s'agit d'analyser cette déformation au large des côtes:

    1. Quelles limites cinématiques des blocs en 3D?
    Le schéma de la Figure 10B de Mauffret et al. (1987), déjà ancien, s'il peut traduire une réalité cinématique globale, n'est dans le tracé des limites de blocs que très peu contraint: en effet, excepté le décrochement dextre de Yussuf, le "mur" des Habibas, et l'existence des zones surépaissies en pied de marge, les limites de blocs, en mer mais aussi à terre assez souvent, sont presque toute contestables ou interprétables d'une manière différente, dans leur importance relative, leur extension, et leur cinématique. Par ailleurs, leur enracinement, la part de la déformation en poinçonnement par rapport aux décrochements souvent invoqués, sont inconnus (voir par exemple les zones "hautes" de Dahra et Khayr Al Din), et leur situation dans un schéma de subduction commençante éventuelle ou dans une inversion de la marge au Plio-Quaternaire (Yielding et al., 1989), ne sont pas comprises, faute de données. Le schéma de Meghraoui et al. (1996, Figure 2) n'est quant à lui qu'une esquisse qui ne permet pas d'apprécier la déformation au large, faute de données. Nous souhaitons donc tester le rôle réel des familles de failles conjuguées, et notamment identifier la hiérarchie cinématique des familles de failles (E-O et NE-SO) et leur importance relative en terme de rejet et d'extension latérale, afin de proposer un modèle de déformation plus réaliste.

    2. Quels taux de déformation totale? Quelle distribution de la déformation?
    La convergence Afrique-Europe prédite par le modèle Nuvel1A est de 6.0 mm/an à la longitude d'Alger et 7.8 mm/an à Noto (pointe sud Sicile), valeurs calculées à partir des paramètres de DeMets et al. (1994; NUVEL1A), soit un peu plus forte que celles précédemment avancées par Meghraoui et al. (1996) sur la base des modèles antérieurs (DeMets et al., 1990, NUVEL1; Argus et al., 1989). Cette vitesse est confirmée par des mesures géodésiques dans l'extrême sud de la Sicile (VLBI: Ward, 1994; GPS: Nocquet et al., 2001, sous presse). Par contre, si ce mouvement Afrique-Europe est juste, on mesure à Cagliari par GPS un mouvement de 2 mm/an vers l'ouest par rapport a l'Europe stable (Nocquet et al., 2001, sous presse), alors que la composante O-E de ce vecteur est de l'ordre de 1 mm/an au niveau du Tell. Par conséquent, il semble que l'essentiel de la convergence Afrique-Europe aux longitudes du Tell soit accommodée par de la déformation compressive (elle serait plus décrochante vers l'ouest). Mais la part inverse et décrochante prise en compte au niveau de la marge n'est pas quantifiable pour l'instant, faute d'une identification des zones déformées sous-marines. Dans l'Atlas Tellien, la partie terrestre semble accommoder un raccourcissement dans une direction sub-parallèle à la convergence NUVEL1A et avec un taux de l'ordre de 2,2 mm/an, le soulèvement côtier se faisant à une vitesse inférieure à 0,3 mm/an (Meghraoui et al., 1996). Faute de données marines, il est impossible, à l'heure actuelle, de vérifier où et comment se fait l'important différentiel dans le raccourcissement estimé (6.0 - 2.2 = 3.8 mm/an), qui pose plusieurs questions fondamentales: A-t-on ignoré jusqu'ici une zone de déformation active en mer, éventuellement très localisée? Quelle part de la déformation est prise en compte de manière sismique au large ? Quelle vitesse verticale de soulèvement se produit par référence aux dépôts plio-quaternaires du bassin ? c'est ce que nous chercherons à déterminer. Par ailleurs, il est légitime de s'interroger sur le rôle que jouent réellement les failles dextres avancées dans les modèles de Mauffret et al. (1987) et Meghraoui et al. (1996) dans la déformation actuelle, puisque le raccourcissement semble dominer largement sur la composante décrochante. Si on admet le caractère transpressif dextre de la marge, la question reste de déterminer où et comment cette déformation se répartit sur la marge, et avec quelle importance: ce sera notre second objectif de quantification.

    3. Quelles récurrences sismiques et quels risques associés aux grandes failles?
    Enfin, il est très difficile voire impossible d'associer la plupart des failles suspectées en mer à des grandes ruptures historiques connues. Par exemple, Ambraseys et Vogt (1988) discutent de la localisation possible du grand séisme ayant affecté Alger en 1716 et le placent hypothétiquement près de Blida, alors qu'il serait sur une faille côtière selon Meghraoui (1991); le grand séisme de Djidjelli (août 1856), à 100 km à l'est de Bejaïa, a été hypothétiquement associé aux failles d'Annaba (région Est de transition entre le plateau et la plaine abyssale), mais il est impossible de préciser quelle partie de faille peut avoir été activée faute de précision dans les données sismiques (Figure 13) et bathymétriques. Différentes évaluations du temps de récurrence sismique ont été résumées par Meghraoui (1991), sur la base de données paléosismologiques (El Asnam) et de sismicité historique: elle serait de ~350 ans pour la région côtière d'Alger. Cependant, cette estimation dépend largement de la localisation épicentrale des séismes de 1365 et 1716, et de l'identification dans la zone de Tipaza-Alger de failles de grande taille susceptibles d'avoir joué lors de ces deux séismes. Si la même faille a joué, alors il deviendra possible de mieux évaluer le risque dans la région, qui pourrait être élevé selon Meghraoui (1991) et Aoudia et al. (2000), puisque 285 ans se sont écoulés depuis la rupture de 1716.


    4. Bilan
    Par rapport aux hypothèses précédemment formulées, nous souhaitons donc vérifier sur les cibles identifiées de la marge:
    - le degré d'inversion des structures de la marge: stade de subduction commençante (Auzende et al., 1975), ou bien inversion des structures extensives héritées (Yielding et al., 1989) ?
    - le rôle de l'héritage sur la disposition des structures actives: orientation NE-SO, degré de contrôle des accidents E-O proposés de manière hypothétique (Mauffret et al., 1987, Figure 10B) ?
    - la géométrie et la compatibilité cinématique des mouvements entre blocs qui sont supposés, à savoir ceux d'Alger-Khayr Al-Din, Bou-Maad et Dahra (Figure 10A et 10B): obéissent-ils à une logique de déformation de blocs rigides en rotation dans un système transpressif dextre, impliquant des disposition en relais ou en échelon sénestres, comme proposé par Meghraoui et al. (1996), et schématisée sur la Figure 11, ou bien la déformation est-elle beaucoup plus distribuée ?
    - le degré de validité des temps de récurrence supposés (350 ans?) par identification des failles majeures.

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    Message par Admin Mar 28 Aoû - 13:03

    C. Prolongement en mer des grandes failles et risques gravitaires: les lacunes, les cibles

    1. Failles actives sous-marines:
    beaucoup d'indices, pas de certitudes
    Tenant compte des indices cités, on peut ici insister sur les très importantes lacunes de connaissance concernant la plupart des segments de failles actives suspectées en mer au niveau du Tell (contrairement au domaine de la mer d'Alboran, beaucoup mieux connu, voir par exemple Mauffret et al., 1992 et Meghraoui et al, 1996), qui sont, d'ouest en est (Figures 7, 10A et 10B):

    (1) la faille décrochante de Yussuf, E-O, dextre, décalant fortement les anomalies magnétiques et marquant le relais entre la ride d'Alboran et la zone côtière d'Oran: elle est probablement le segment sous-marin de failles active le mieux identifié, mais sa géométrie précise n'est pas connue;

    (2) l'anticlinal du Murdjadjo et la faille d'Arzew (Kristel) près d'Oran, dont les prolongements en mer et les liens avec les failles de Yussuf et des Habibas ne sont pas établis;

    (3) l'escarpement des Habibas, très marqué dans la bathymétrie,s'étendant sur plus de 100 km, mais dont les preuves d'activité sont ténues, faute de localisation précise de séismes et de données morpho-structurales détaillées;

    (4) la zone décrochante de Dahra, orientée NNO-SSE, très mal connue, dont on suppose seulement l'existence par la morphologie, l'alignement de quelques épicentres, et le décalage des anomalies gravimétriques et magnétiques (Yelles et al., 1999);

    (5) la faille du sud de Ténès, décrochante dextre, mal connue, passant hypothétiquement en mer;

    (6) la faille bordière du massif de Khayr Al-Din (Figure 12), en face de Cherchell (Galdéano et Rossignol, 1977), là aussi suggérée sur les mêmes arguments que la faille de Dahra (Yelles et al., 1999); elle correspondrait à la fermeture vers l'ouest de la faille décrochante de Thénia (Boudiaf et al., 1999), mais sa géométrie en mer n'est pas connue: s'agit-il d'un pli-faille avec une partie aveugle, comme pour le système de Chenoua-Tipaza (Meghraoui, 1991), ou d'une faille inverse à l'affleurement?

    (7) la faille prolongeant en mer la rupture du séisme de 1989 (Meghraoui, 1991), parallèlement à l'anticline du Sahel (Figure Cool, dont l'existence est probable, mais dont l'extension (prolongement en baie d'Alger) et l'interaction éventuelle avec la faille de Thénia (Boudiaf et al., 1999) sont inconnus; là encore, quelle part de flexuration (Yielding et al., 1989; Meghraoui, 1991) s'exprime éventuellement près de la surface, par analogie avec El Asnam ou Tipaza?

    (Cool d'autres failles E-O supposées entre la grande Kabylie et la petite Kabylie, notamment au large de Bejaïa et Djidelli (Meghraoui et al., 1996; Yelles et al., 1999, voir Figure 2), mais absolument non contraintes faute de données.

    Il faut souligner que la surveillance de l'activité sismique par le réseau télémétré algérien montre un nombre conséquent de microséismes en mer. D'autre part, que ce soit à Alger, Oran, Béjaia, ou Ténès, outre les accidents actifs connus, les failles qui bordent le littoral se prolongent souvent en mer. Par ailleurs, la profondeur des foyers, de quelques kilomètres seulement comme à El Asnam, tout comme les magnitudes déduites de la sismicité historiques (de 7 à 7,5), laissent clairement attendre des segments sous-marins superficiels (contrairement au bassin Ligure, voir Augliera et al., 1994) et de longueurs déca-kilométriques (de 10 à 100 km), d'après les relations empiriques admises (Wells et Coppersmith, 1994). C'est le cas notamment de l'anticlinal du Murdjadjo pour Oran, la faille d'Arzew (Kristel) également à Oran, la faille de Tipaza à Alger, la faille de Ain Benian à Alger, la faille de Thénia à Alger, la faille de Bougie-Tazmalt. C'est pourquoi nous souhaitons porter en priorité notre effort sur l'extension au large des grandes failles côtières avérés, dans les zones: (1) Alger; (2) Ténès-Cherchell; (3) Oran. La zone de Bejaïa-Djidelli présente également de nombreux indices de déformation active, mais pour des raisons de temps à la mer et de densité de population relativement plus faible, nous choisissons de la proposer comme zone d'étude dans la seconde campagne (demande en 2003).


    2. Glissements et instabilités de pente: l'absence de données sur les modes de transport et le rôle du sel
    La plus grande partie du matériel détritique apporté par les fleuves côtiers franchit rapidement la marge pour sédimenter en pied de pente, et la dynamique de transport est probablement complexe et hybride. Malheureusement, il est pour l'instant impossible de préciser ces mécanismes car il n'y a pas d'étude détaillée disponible sur les glissements et instabilités de pente au large de l'Algérie. Seule une étude géotechnique sur les sédiments marins existe (Moulfi, 1995), mais ce travail concerne uniquement le plateau, et pas les pentes, qui n'ont pas ou peu été échantillonnées. Par ailleurs la documentation manque sur les relations entre les épisodes évaporitiques du bassin du Chéliff (marnes, tripolis et gypse) et ceux du bassin profond à sel gemme. En conséquence, nos objectifs sont:
    - préciser les mécanismes responsables du transit plateau-marge, qui sont possiblement au nombre de trois: glissement, tectonique active et transit hydrodynamique, sans argumentation précise pour l'instant sauf cas particulier (Bejaïa ou Isser). A priori, le secteur le plus actif est compris entre Ténès et Alger, mais devant le Chéliff et le Mazafran, la chenalisation n'est pas claire. Si la règle générale est une pente très raide (surtout devant le Chéliff et l'Isser-Sébaou), il y a cependant une exception devant le Mazafran (au large de Zéralda) où on peut observer un relief autour de 500 mètres de fond, jusqu'à plus de 1000m;
    - étudier la relation séisme/tsunami/courant de turbidité à partir de la cartographie des instabilités de pente au voisinage des grandes failles et des canyons. Grâce aux données multifaisceaux et sismiques (HR et THR), nous chercherons notamment à identifier dans un premier temps les corps sédimentaires déposés par processus gravitaires (slumps, debris flows,…) pour lesquels il apparaît qu'un certain nombre de conditions favorables sont réunies pour les créer: pentes abruptes, nombreux canyons, brusques incréments de sédimentation. Dans un deuxième temps, les produits des ces instabilités gravitaires seront analysés en termes de géométrie interne, de volumes et de distribution selon la même méthodologie utilisée sur d'autres marges méditerranéennes (reconnaissance par MNT, géomorphologie quantitative, modélisation numérique, etc…, voir par exemple Gaullier et al., 1998);
    - examiner le rôle mécanique des Evaporites messiniennes dans la déformation active: pour cela, il sera nécessaire de déterminer comment se répartissent les dépôts messiniens dans les secteurs d'étude, dans la partie la plus en amont, c'est-à-dire au pied de marge, au biseau du sel, afin d'estimer le rôle d'amplification des glissements gravitaires sur pente, bien connu dans le golfe du Lion (voir par exemple Gorini et al., 1993; Berné et al., 1999). C’est pourquoi il sera



    Campagne MARADJA: Marge Active de l'Algérie Fig13p
    Figure 13.

    Failles supposées actives repérées sur un des profils sismiques de faible résolution dans la zone de la pente continentale au large de Djidjelli, région est de l'Algérie, d'après Yelles et al. (1999), illustrant la très faible connaissance des structures actives sous-marines aujourd'hui, en raison de l'absence d'une cartographie détaillée et de sismique haute résolution.
    (Echelle horizontale: ~5 km, échelle verticale: 2,5 std, orientation SO-NE, passage à la plaine abyssale)


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