Geologie du Perou
Comme l’ensemble des Andes, celles du Pérou représentent une chaîne de subduction,
c’est-à-dire une chaîne édifiée au dessus d’une zone de subduction. Ces
chaînes sont caractérisées par un arc volcanique calco-alcalin
(«ceinture de feu » du Pacifique).
La plaque océanique qui s’enfonce sous la côte péruvienne est celle de Nazca (une sous-plaque de celle du Pacifique). Elle est affectée d’une structure mal connue, SW-NE, dite ride océanique de Nazca
qui s’enfonce elle aussi sous l’Amérique du Sud. Elle pourrait être une
zone de décrochement car elle correspond à peu près à la limite entre
Pérou N et S où l’affrontement des deux plaques (Nazca et S-Amérique)
se présente différemment :
- dans le Pérou sud, l’inclinaison du plan de subduction est normal
(environ 35°), la convergence est due à la gravité qui fait s’enfoncer
la croûte océanique, le volcanisme est actif, le régime est donc
distensif.
- dans le Pérou nord, le plan de subduction est faiblement incliné
(pendage de 10 à 15°) et la convergence rapide car le régime est
compressif à cause du jeu des grandes plaques mondiales). Le volcanisme
est arrêté. Celui qu’on y voit est d’âge crétacé supérieur à paléogène.
Dans les deux cas, l’arc volcanique s’est mis en place sur le bord du
continent sud-américain (« bouclier brésilien ») dès le début du
Secondaire. On trouvera donc partout, dans son substratum, du
Précambrien (daté de 600 à 680 Ma) et sa couverture sédimentaire
primaire, plus ou moins épaisse suivant les points.
D’W en E, se succèdent les ensembles suivants :
1. La fosse océanique est à 100-130 km de la côte actuelle. Il existe donc un plateau continental immergé,
connu seulement par les sondages et les profils sismiques qui montrent
le bord même du continent, découpé en blocs, et couvert de sédiments
plio-quaternaires épais. Ils forment un véritable prisme d’accrétion
dont une partie s’enfonce dans la zone de subduction, associée à des
sédiments océaniques. Ce plateau continental n’atteint pas la côte : la
zone côtière montre déjà, sous des sables dunaires, l’élément structural
suivant, à savoir :
2. La Cordillère occidentale des géographes. C’est l’arc volcanique et magmatique des
géologues, inactif depuis le Miocène. C’est une série sédimentaire
épaisse, surtout jurassique et crétacé inférieur, volcano-détritique. Le
volcanisme est calco-alcalin ce qui indique que la subduction était
déjà à l’œuvre. Les faciès sont continentaux à lagunaires. Le tout est
plissé en accordéon, sans nappes ni métamorphisme. Soulèvement toujours
en cours (failles vivantes).
Cet ensemble est traversé par des plutons granodioritiques
calco-alcalins datés de 100 Ma (Crétacé moyen), que le soulèvement
récent de la chaîne a fait surgir, suivant deux axes parallèles : « le
batholite côtier », très long (1000 km) mais peu élevé, et celui de la
Cordillera Blanca, plus court mais qui porte le point culminant du Pérou
(Huascaran, 6768m).
A cause de cette activité magmatique, la Cordillère occidentale est le
siège de nombreuses minéralisations dont l’or et l’argent, exploités
jadis par les Incas puis les espagnols.
A sa limite orientale (vallée du Marañon), cette cordillère voit sa
série s’amincir (seuil du Marañon, ancien relief hercynien) et
s’écailler (« écailles du Marañon »).
3. La Cordillère orientale. Elle est séparée de la
précédente par une importante zone de fracture, d’origine ancienne,
soulignée par les écailles du Marañon, de vergence opposée
(morphotectonique ?). Egalement assez élevée, elle montre plus largement
son socle précambrien et primaire, avec une couverture secondaire et
tertiaire, plus ou moins volcano-détritique, entrecoupée de quelques
venues volcaniques calcoalcalines et de rares plutons granodioritiques
intrusifs, récents, traduisant une migration du volcanisme vers l’Est.
Cette couverture a été ensuite plissée (plis serrés accompagnés de
schistosité subverticale). Le soulèvement est également en cours
(failles vivantes).
5. La zone subandine, déjà envahie par la forêt amazonienne.
Série sédimentaire secondaire et tertiaire épaisse, non
volcano-détritique. Plus de volcanisme ni de granitisations. La
géophysique a montré qu’elle est constituée d’un empilement d’écailles
très plates à vergence amazonienne, liées au sous-charriage du bouclier
brésilien sous les Andes en formation.
Si l’on fait intervenir les données géophysiques, on peut dessiner comme
suit la coupe des Andes péruviennes du nord à l’échelle de la croûte
terrestre :
Ici, la plaque Nazca s’enfonce suivant l’angle habituel des zones de
subduction (30° environ), donc par effet de la gravité. Le régime en
cours est donc distensif et le volcanisme actif mais on y retrouve les
grands éléments structuraux du Pérou nord. A savoir, à partir de la
fosse de subduction :
1. Un plateau continental qui émerge dans la zone côtière,
ici plus large, sous la forme de terrains anciens (précambriens à
crétacés) localement couverts de sédiments récents. C’est seulement
après qu’on atteint :
2. La Cordillère occidentale, également identique pour ce
qui est de son substratum et de ses sédiments, mais hérissée de volcans
encore actifs dont le plus connu est le Misti, 5867m, près d’Arequipa.
Ce volcanisme du Pérou S dessine plusieurs bandes parallèles qui
deviennent de plus en plus jeunes vers l’E, du Jurassique supérieur au
Quaternaire. Ce volcanisme récent a donné naissance à un épais manteau
de tufs volcaniques qui forment un piedmont plus ou moins accidenté
descendant vers l’Altiplano, vaste plateau à 4000m d’altitude moyenne,
qui le sépare de la Cordillère orientale.
3. L’Altiplano est encaissé entre des failles qui le
séparent des deux cordillères, W et E. Il s’amenuise vers le N, vers
Cuzco et, inversement s’élargit vers le S, en Bolivie. En surface, il
montre une épaisse série détritique, néogène et quaternaire, lacustre à
continentale, qui a enregistré les déformations récentes de la chaîne.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette région n’est pas un
bassin d’effondrement intramontagneux. C’est une portion de la chaîne
qui n’a pas été autant soulevée que les cordillères voisines. Du coup,
elle en reçoit les produits d’érosion et les eaux (lac Titicaca ) qui
masquent des plis aussi complexes que sur ses bords.
Ce substrat, plissé et écaillé, peut être considéré comme le lointain
prolongement des écailles du Marañon, avec la même série secondaire
réduite (probablement liée à seuil hercynien résiduel) et la même
vergence opposée des accidents bordiers (morphotectonique probable,
comme en Provence). Ces plis témoignent du régime compressif qui s’est
exercé à plusieurs reprises sur la région.
L’origine de cette étrange dépression intra-andine est mal connue.
Probablement un accident hercynien majeur séparant le seuil évoqué plus
haut et le cœur de la chaîne situé plus à l’E.
4. La Cordillère orientale. Comme au N, c’est une sorte de
chaîne intracontinentale accolée à la chaîne de subduction, à double
déversement (vers l’W sur l’Altiplano, vers l’E sur la zone subandine)
et dont l’altitude est élevée (plus de 6000m). Son cœur est formé de
Précambrien et d’une série primaire réduite révélant qu’on était là au
cœur de la vieille chaîne hercynienne évoquée. Le Permien, rouge, très
épais, avec évaporites, témoigne de sa destruction sous climat chaud et
humide. Cette chaîne a dû rester une zone haute au Secondaire car le
Jurassique manque totalement, et la sédimentation crétacée reste
continentale à lacustre (sauf une très brève incursion marine au Crétacé
moyen qui dépose des calcaires à ammonites).
5. La zone subandine, identique à celle du Pérou nord.
Evolution orogénique
Grâce aux datations du volcanisme calco-alcalin, on sait que le régime de subduction a commencé après le Permien.
Du Trias à la fin du Crétacé inférieur,
le régime distensif domine. Un arc magmatique s’installe dans la zone
côtière de l’époque. On n’en connaît des traces que dans la zone côtière
du Pérou S. Cet arc alimentait vers l’Est, en sédiments
volcano-détritiques, un bassin arrière-arc (future Cordillère
occidentale).
Ce bassin était limité à l’Est par un seuil (Marañon-Cuzco-Altiplano),
résidu probable d’un relief hercynien incomplètement érodée, sorte
d’avant-poste de la chaîne hercynienne proprement dite située plus à
l’E, et qui ne montre qu’une mince couverture secondaire de moins en
moins volcano-détritique. On passe ensuite à un bassin de subsidence,
celui de la zone subandine, non volcanisé, dont le remplissage, très
épais, est dû à l’érosion du bouclier brésilien (10 000m de
sédiments !).
Pendant cette première période, il n’y pas de chaîne andine, mais un alignement de volcans en bordure du Pacifique.
A partir du Crétacé supérieur,
commence une période complexe où alternent phase de compression et de
distension liées à la tectonique globale. La marge subit donc des
périodes de raccourcissement, avec plissement en surface, tandis que la
subduction entraîne en profondeur des paquets successifs de la marge
continentale. L’arc magmatique se localise au niveau de l’ancien bassin
arrière-arc qui va se plisser et se soulever au cours des périodes
compressives pour donner la Cordillère occidentale.
Ces crises de compression correspondent, comme on pouvait s’y
attendre (tectonique globale), à celles du SE de la France, à savoir :
- Crétacé moyen (phase Mochica) : collision alpine, premières nappes des Alpes orientales soulèvement de l’isthme durancien
-Crétacé supérieur (phase péruvienne) : début du plissement pyrénéo-provençal et ses échos alpins
Eocène supérieur (phase Incaïque) : phase pyrénéo-provençale principale, mise en place des nappes internes alpines.
Néogène (phase Quechua) : plissement des chaînes subalpines.
Comme dans les Alpes, ces phases affectent des portions de plus en plus
étendues de la chaîne, la zone subandine étant plissée la dernière.
La chaîne est toujours en cours d’évolution comme le prouve l’intense
activité séismique dont elle est le siège et qui révèle le jeu encore
actuel de la subduction et du sous-charriage du bouclier brésilien sous
les Andes, exactement comme le socle jurassien sous les Alpes.
L’altitude de la chaîne s’explique par la forte épaisseur de la croûte (75 km), due :
1. aux apports de magma calco-alcalin,
2. au raccourcissement de la chaîne sous l’effet de la compression,
raccourcissement estimé, après déroulement des plis et des
chevauchements, à 200 km environ,
3. au sous-charriage du bouclier brésilien sous la chaîne sous l’effet de la compression,
4. au sous-charriage d’une partie de la marge sud-américaine, mais cette
fois sous l’effet de la subduction. Ces portions de marge, entraînées
en profondeur, sont venues se plaquer sous la croûte qui la précédait
vers l’E (phénomène de « sous-placage »).
On peut donc résumer la structure actuelle du Pérou par la coupe
suivante, qui est celle du Pérou Sud, plus complexe que celle du Pérou
N.
Le déplacement du magmatisme vers l’Est est dû au raccourcissement progressif de la chaîne
En conclusion, les différences essentielles entre
les Alpes et les Andes sont évidemment liées à la présence d’une zone de
subduction permanente (alors que dans les Alpes, elle ne fonctionne
qu’au moment de la collision entre deux plaques). Cette subduction
permanente a trois conséquences :
1. la présence d’un arc volcanique (et de ses batholites profonds).
Cet arc alimente constamment les bassins marins qui l’entourent en
produits volcaniques détritiques (greywackes), monotones et épais. Les
calcaires y sont exceptionnels.
2. Un affrontement océan-continent, au lieu d’une collision intercontinentale.
Il n’y a donc pas l’équivalent du mini-océan téthysien des Alpes, donc
pas de zone à ophiolites entre deux marges écaillées. Certes on connaît
des « Andes à ophiolites » (Colombie-Vénézuela) mais les ophiolites en
question ne sont qu’un panneau de la croûte pacifique qui, au lieu de
s’enfoncer sous le continent, est venu en collision avec lui.
3. La prédominance des sous-charriages de socle sur les charriages classiques. Il
n’y a pas de nappes de style alpin. Toutefois la zone subandine
chevauche largement le socle brésilien suivant une surface
subhorizontale sur laquelle se greffent des chevauchements très
réguliers et très plats.
En revanche, les périodes de plissement sont les mêmes car elles
dépendent du jeu des grandes plaques mondiales. Entre ces périodes de
plissement, le régime distensif lié à la subduction classique règne à
nouveau, avec son cortège de magmatisme.
Comme l’ensemble des Andes, celles du Pérou représentent une chaîne de subduction,
c’est-à-dire une chaîne édifiée au dessus d’une zone de subduction. Ces
chaînes sont caractérisées par un arc volcanique calco-alcalin
(«ceinture de feu » du Pacifique).
La plaque océanique qui s’enfonce sous la côte péruvienne est celle de Nazca (une sous-plaque de celle du Pacifique). Elle est affectée d’une structure mal connue, SW-NE, dite ride océanique de Nazca
qui s’enfonce elle aussi sous l’Amérique du Sud. Elle pourrait être une
zone de décrochement car elle correspond à peu près à la limite entre
Pérou N et S où l’affrontement des deux plaques (Nazca et S-Amérique)
se présente différemment :
- dans le Pérou sud, l’inclinaison du plan de subduction est normal
(environ 35°), la convergence est due à la gravité qui fait s’enfoncer
la croûte océanique, le volcanisme est actif, le régime est donc
distensif.
- dans le Pérou nord, le plan de subduction est faiblement incliné
(pendage de 10 à 15°) et la convergence rapide car le régime est
compressif à cause du jeu des grandes plaques mondiales). Le volcanisme
est arrêté. Celui qu’on y voit est d’âge crétacé supérieur à paléogène.
Dans les deux cas, l’arc volcanique s’est mis en place sur le bord du
continent sud-américain (« bouclier brésilien ») dès le début du
Secondaire. On trouvera donc partout, dans son substratum, du
Précambrien (daté de 600 à 680 Ma) et sa couverture sédimentaire
primaire, plus ou moins épaisse suivant les points.
- Le Pérou N
D’W en E, se succèdent les ensembles suivants :
1. La fosse océanique est à 100-130 km de la côte actuelle. Il existe donc un plateau continental immergé,
connu seulement par les sondages et les profils sismiques qui montrent
le bord même du continent, découpé en blocs, et couvert de sédiments
plio-quaternaires épais. Ils forment un véritable prisme d’accrétion
dont une partie s’enfonce dans la zone de subduction, associée à des
sédiments océaniques. Ce plateau continental n’atteint pas la côte : la
zone côtière montre déjà, sous des sables dunaires, l’élément structural
suivant, à savoir :
2. La Cordillère occidentale des géographes. C’est l’arc volcanique et magmatique des
géologues, inactif depuis le Miocène. C’est une série sédimentaire
épaisse, surtout jurassique et crétacé inférieur, volcano-détritique. Le
volcanisme est calco-alcalin ce qui indique que la subduction était
déjà à l’œuvre. Les faciès sont continentaux à lagunaires. Le tout est
plissé en accordéon, sans nappes ni métamorphisme. Soulèvement toujours
en cours (failles vivantes).
Cet ensemble est traversé par des plutons granodioritiques
calco-alcalins datés de 100 Ma (Crétacé moyen), que le soulèvement
récent de la chaîne a fait surgir, suivant deux axes parallèles : « le
batholite côtier », très long (1000 km) mais peu élevé, et celui de la
Cordillera Blanca, plus court mais qui porte le point culminant du Pérou
(Huascaran, 6768m).
A cause de cette activité magmatique, la Cordillère occidentale est le
siège de nombreuses minéralisations dont l’or et l’argent, exploités
jadis par les Incas puis les espagnols.
A sa limite orientale (vallée du Marañon), cette cordillère voit sa
série s’amincir (seuil du Marañon, ancien relief hercynien) et
s’écailler (« écailles du Marañon »).
3. La Cordillère orientale. Elle est séparée de la
précédente par une importante zone de fracture, d’origine ancienne,
soulignée par les écailles du Marañon, de vergence opposée
(morphotectonique ?). Egalement assez élevée, elle montre plus largement
son socle précambrien et primaire, avec une couverture secondaire et
tertiaire, plus ou moins volcano-détritique, entrecoupée de quelques
venues volcaniques calcoalcalines et de rares plutons granodioritiques
intrusifs, récents, traduisant une migration du volcanisme vers l’Est.
Cette couverture a été ensuite plissée (plis serrés accompagnés de
schistosité subverticale). Le soulèvement est également en cours
(failles vivantes).
5. La zone subandine, déjà envahie par la forêt amazonienne.
Série sédimentaire secondaire et tertiaire épaisse, non
volcano-détritique. Plus de volcanisme ni de granitisations. La
géophysique a montré qu’elle est constituée d’un empilement d’écailles
très plates à vergence amazonienne, liées au sous-charriage du bouclier
brésilien sous les Andes en formation.
Si l’on fait intervenir les données géophysiques, on peut dessiner comme
suit la coupe des Andes péruviennes du nord à l’échelle de la croûte
terrestre :
- Le Pérou sud
Ici, la plaque Nazca s’enfonce suivant l’angle habituel des zones de
subduction (30° environ), donc par effet de la gravité. Le régime en
cours est donc distensif et le volcanisme actif mais on y retrouve les
grands éléments structuraux du Pérou nord. A savoir, à partir de la
fosse de subduction :
1. Un plateau continental qui émerge dans la zone côtière,
ici plus large, sous la forme de terrains anciens (précambriens à
crétacés) localement couverts de sédiments récents. C’est seulement
après qu’on atteint :
2. La Cordillère occidentale, également identique pour ce
qui est de son substratum et de ses sédiments, mais hérissée de volcans
encore actifs dont le plus connu est le Misti, 5867m, près d’Arequipa.
Ce volcanisme du Pérou S dessine plusieurs bandes parallèles qui
deviennent de plus en plus jeunes vers l’E, du Jurassique supérieur au
Quaternaire. Ce volcanisme récent a donné naissance à un épais manteau
de tufs volcaniques qui forment un piedmont plus ou moins accidenté
descendant vers l’Altiplano, vaste plateau à 4000m d’altitude moyenne,
qui le sépare de la Cordillère orientale.
3. L’Altiplano est encaissé entre des failles qui le
séparent des deux cordillères, W et E. Il s’amenuise vers le N, vers
Cuzco et, inversement s’élargit vers le S, en Bolivie. En surface, il
montre une épaisse série détritique, néogène et quaternaire, lacustre à
continentale, qui a enregistré les déformations récentes de la chaîne.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette région n’est pas un
bassin d’effondrement intramontagneux. C’est une portion de la chaîne
qui n’a pas été autant soulevée que les cordillères voisines. Du coup,
elle en reçoit les produits d’érosion et les eaux (lac Titicaca ) qui
masquent des plis aussi complexes que sur ses bords.
Ce substrat, plissé et écaillé, peut être considéré comme le lointain
prolongement des écailles du Marañon, avec la même série secondaire
réduite (probablement liée à seuil hercynien résiduel) et la même
vergence opposée des accidents bordiers (morphotectonique probable,
comme en Provence). Ces plis témoignent du régime compressif qui s’est
exercé à plusieurs reprises sur la région.
L’origine de cette étrange dépression intra-andine est mal connue.
Probablement un accident hercynien majeur séparant le seuil évoqué plus
haut et le cœur de la chaîne situé plus à l’E.
4. La Cordillère orientale. Comme au N, c’est une sorte de
chaîne intracontinentale accolée à la chaîne de subduction, à double
déversement (vers l’W sur l’Altiplano, vers l’E sur la zone subandine)
et dont l’altitude est élevée (plus de 6000m). Son cœur est formé de
Précambrien et d’une série primaire réduite révélant qu’on était là au
cœur de la vieille chaîne hercynienne évoquée. Le Permien, rouge, très
épais, avec évaporites, témoigne de sa destruction sous climat chaud et
humide. Cette chaîne a dû rester une zone haute au Secondaire car le
Jurassique manque totalement, et la sédimentation crétacée reste
continentale à lacustre (sauf une très brève incursion marine au Crétacé
moyen qui dépose des calcaires à ammonites).
5. La zone subandine, identique à celle du Pérou nord.
Evolution orogénique
Grâce aux datations du volcanisme calco-alcalin, on sait que le régime de subduction a commencé après le Permien.
Du Trias à la fin du Crétacé inférieur,
le régime distensif domine. Un arc magmatique s’installe dans la zone
côtière de l’époque. On n’en connaît des traces que dans la zone côtière
du Pérou S. Cet arc alimentait vers l’Est, en sédiments
volcano-détritiques, un bassin arrière-arc (future Cordillère
occidentale).
Ce bassin était limité à l’Est par un seuil (Marañon-Cuzco-Altiplano),
résidu probable d’un relief hercynien incomplètement érodée, sorte
d’avant-poste de la chaîne hercynienne proprement dite située plus à
l’E, et qui ne montre qu’une mince couverture secondaire de moins en
moins volcano-détritique. On passe ensuite à un bassin de subsidence,
celui de la zone subandine, non volcanisé, dont le remplissage, très
épais, est dû à l’érosion du bouclier brésilien (10 000m de
sédiments !).
Pendant cette première période, il n’y pas de chaîne andine, mais un alignement de volcans en bordure du Pacifique.
A partir du Crétacé supérieur,
commence une période complexe où alternent phase de compression et de
distension liées à la tectonique globale. La marge subit donc des
périodes de raccourcissement, avec plissement en surface, tandis que la
subduction entraîne en profondeur des paquets successifs de la marge
continentale. L’arc magmatique se localise au niveau de l’ancien bassin
arrière-arc qui va se plisser et se soulever au cours des périodes
compressives pour donner la Cordillère occidentale.
Ces crises de compression correspondent, comme on pouvait s’y
attendre (tectonique globale), à celles du SE de la France, à savoir :
- Crétacé moyen (phase Mochica) : collision alpine, premières nappes des Alpes orientales soulèvement de l’isthme durancien
-Crétacé supérieur (phase péruvienne) : début du plissement pyrénéo-provençal et ses échos alpins
Eocène supérieur (phase Incaïque) : phase pyrénéo-provençale principale, mise en place des nappes internes alpines.
Néogène (phase Quechua) : plissement des chaînes subalpines.
Comme dans les Alpes, ces phases affectent des portions de plus en plus
étendues de la chaîne, la zone subandine étant plissée la dernière.
La chaîne est toujours en cours d’évolution comme le prouve l’intense
activité séismique dont elle est le siège et qui révèle le jeu encore
actuel de la subduction et du sous-charriage du bouclier brésilien sous
les Andes, exactement comme le socle jurassien sous les Alpes.
L’altitude de la chaîne s’explique par la forte épaisseur de la croûte (75 km), due :
1. aux apports de magma calco-alcalin,
2. au raccourcissement de la chaîne sous l’effet de la compression,
raccourcissement estimé, après déroulement des plis et des
chevauchements, à 200 km environ,
3. au sous-charriage du bouclier brésilien sous la chaîne sous l’effet de la compression,
4. au sous-charriage d’une partie de la marge sud-américaine, mais cette
fois sous l’effet de la subduction. Ces portions de marge, entraînées
en profondeur, sont venues se plaquer sous la croûte qui la précédait
vers l’E (phénomène de « sous-placage »).
On peut donc résumer la structure actuelle du Pérou par la coupe
suivante, qui est celle du Pérou Sud, plus complexe que celle du Pérou
N.
Le déplacement du magmatisme vers l’Est est dû au raccourcissement progressif de la chaîne
En conclusion, les différences essentielles entre
les Alpes et les Andes sont évidemment liées à la présence d’une zone de
subduction permanente (alors que dans les Alpes, elle ne fonctionne
qu’au moment de la collision entre deux plaques). Cette subduction
permanente a trois conséquences :
1. la présence d’un arc volcanique (et de ses batholites profonds).
Cet arc alimente constamment les bassins marins qui l’entourent en
produits volcaniques détritiques (greywackes), monotones et épais. Les
calcaires y sont exceptionnels.
2. Un affrontement océan-continent, au lieu d’une collision intercontinentale.
Il n’y a donc pas l’équivalent du mini-océan téthysien des Alpes, donc
pas de zone à ophiolites entre deux marges écaillées. Certes on connaît
des « Andes à ophiolites » (Colombie-Vénézuela) mais les ophiolites en
question ne sont qu’un panneau de la croûte pacifique qui, au lieu de
s’enfoncer sous le continent, est venu en collision avec lui.
3. La prédominance des sous-charriages de socle sur les charriages classiques. Il
n’y a pas de nappes de style alpin. Toutefois la zone subandine
chevauche largement le socle brésilien suivant une surface
subhorizontale sur laquelle se greffent des chevauchements très
réguliers et très plats.
En revanche, les périodes de plissement sont les mêmes car elles
dépendent du jeu des grandes plaques mondiales. Entre ces périodes de
plissement, le régime distensif lié à la subduction classique règne à
nouveau, avec son cortège de magmatisme.